Incontestablement personnalité politique de l’année 2011, François Hollande paraît plus armé pour gagner dans son
parti qu’à l’extérieur. Après la victoire de la primaire, le voici en proie au doute et aux cafouillages. Saura-t-il rebondir ? Seconde partie.
Dans le premier article, j’ai fait état de réelles qualités du candidat François Hollande que n’avaient pas eu ses
concurrents de la primaire socialiste. Poursuivons la revue de ses caractéristiques de campagne…
4. Inaptitude à trancher et courage politique
Pour autant, face à des candidatures d’exclusion et parfois de haine, François Hollande pêche dans l’autre
sens, à savoir que son envie de rassembler des électorats très dissemblables le pousse à ne prendre aucune décision pour ne déplaire à personne et finalement, il déçoit toute le monde.
À cet égard, le slogan qu’il a adopté début janvier 2012 est d’un creux terrible, tout autant que ceux qui
parlent de rupture ou de modernité : « Le changement c'est maintenant. ». Il aurait mieux fait de miser sur le contenu que sur le contenant.
Il est pourtant faux de dire qu’il n’a aucun courage politique. Au contraire, le fait de lancer dans la
campagne des sujets qui peuvent fâcher (vote des étrangers aux élections locales, suppression du quotient
familial, retenue à la source de l’impôt sur les revenus, recrutement de nombreux fonctionnaires malgré la forte dette publique, mariage des homosexuels, facilité à l’euthanasie etc.) donnent en effet la démonstration que le candidat socialiste souhaite s’engager sur des thèmes plutôt passionnés même s’ils sont parfois accessoires dans la
gestion d’un pays en profonde crise.
Savoir prendre des décisions, trancher à vif, et si possible rapidement, ne semble pas faire partie des
habitudes comportementales de François Hollande. Pourtant, on dit souvent qu’il vaut mieux décider vite, même mal, que ne pas décider du tout. Le flottement de sa communication depuis trois mois
(et ça continue) donne la preuve d’une apparente indécision qu’il va devoir vite contredire dans les faits les prochaines semaines, sous peine d’inquiéter vraiment les électeurs en période de
troubles.
5. Équipe pléthorique et Parti socialiste peu fiable
Autre aspect d’un bon manager qui a été un point fort de Nicolas Sarkozy (on a dit aussi que c’était le point fort de George W. Bush face à Al Gore en 2000), c’est la capacité de bien s’entourer. Pour cela, il faut une équipe compétente, pertinente, homogène
et… resserrée.
Or, François Hollande a fait tout le contraire. Afin de ne laisser personne de côté au PS, il a formé une
équipe beaucoup trop nombreuse pour être efficace. Pire, il laisse encore le porte-parole du PS parler au nom du PS (Benoît Hamon, qui vient de lui balancer une peau de banane à propos des 60 000 fonctionnaires) alors que toute la communication du PS devrait être mise sous le contrôle exclusif
de son candidat. Pourtant, François Hollande avait voulu éviter la mésaventure de Ségolène Royal en 2007 qui avait subi la très mauvaise volonté de l’appareil à appuyer sa candidature. La
négociation entre le PS et les écologistes abandonnée en novembre 2011aux équipes de Martine Aubry est
très contreproductive.
Depuis qu’il est candidat, il n’y a pas une semaine où il n’y a pas des boulettes de communication dans son
équipe, des retours en arrière, des malentendus, des recadrages internes. Comment, avec cela, pouvoir être audible ?
6. Expérience gouvernementale nulle et parlementaire quasi-inexistante
C’est son plus grand handicap. Au contraire de tous les candidats sérieux depuis le début de la Ve République, François Hollande n’a jamais exercé de responsabilité ministérielle. En 2010, il avait même tenté de transformer cette lacune en avantage en parlant de
renouvellement de la classe politique, mais premier secrétaire du PS de 1997 à 2008, c’est difficile de parler de renouvellement en 2012 en ce qui le concerne et il n’a plus insisté.
En ces périodes incertaines sur le plan économique, n’avoir aucune expérience ministérielle n’a pas de quoi
rassurer les Français. En effet, le moindre ministre pourrait témoigner (comme Alain Lambert sur son blog, ancien Ministre du Budget) qu’à l’exception de grosses pointures (comme François Fillon et Alain
Juppé dans le gouvernement actuel), les ministres ont peu de poids face à leurs administrations.
L’avoir vécu directement est un bon moyen de faire des propositions réalisables et éviter de faire rêver les
Français (ou de réenchanter leurs rêves, quelle formule maladroite !).
Le témoignage de Philippe Douste-Blazy invité de Paul Amar le 14 janvier 2012 sur France 5 (émission "Revu et corrigé") est d’ailleurs intéressant. Il a expliqué qu’il a été ministre pendant huit ans
et que chaque année, on le considérait comme bon ministre s’il avait réussi à augmenter son budget par rapport à l’année précédent, encourageant à une surenchère qui a surendetté l’État. Ne pas
être passé par ce stade-là est une véritable faiblesse dans le CV d’un candidat à l’élection présidentielle.
C’est simple, de tous les Présidents de la République, même les inactifs, depuis que la république existe,
seuls Napoléon III, le maréchal de Mac Mahon, Jules Grévy et Paul Deschanel n’avaient exercé aucune
responsabilité gouvernementale avant d’être élu. Ils n’ont pas eu des expériences très concluantes.
Tous les autres ont été chefs du gouvernement ou au moins ministres, et c’est d’autant plus important à
partir de 1959 que le Président de la République est devenu un Super-Premier Ministre (pas seulement depuis
2007 !).
Même le Général De
Gaulle n’est pas arrivé au pouvoir sans avoir fait un passage gouvernemental. Il était sous-ministre dans le gouvernement de Paul Reynaud. C’est à ce titre d’ailleurs qu’il s’est considéré
comme le chef de la France libre. Il avait cherché, à Bordeaux, à convaincre d’autres militaires, plus gradés que lui, ou d’autres ministres plus importants que lui, pour s’exiler avec lui à
Londres et avoir une meilleure représentation que lui face à Churchill.
Par ailleurs, comme Lionel Jospin en 1997, il n’a pas plus d’expérience parlementaire à apporter, ayant été
très peu présent à l’Assemblée Nationale. Son seul job, c’était la direction du PS et, ce qu’il explique pour réduire le handicap, son association à toutes les grandes décisions du gouvernement Jospin. Pas de quoi pavoiser.
7. Stratégie de campagne hésitante
Le talon d’Achille du consensuel François Hollande, c’est d’essayer de rassembler sur sa gauche et sur sa
droite en même temps pour le premier tour. Or, ce sont deux mouvements contradictoires : il sera impossible de réunir dans un même gouvernement François Bayrou et Jean-Luc
Mélenchon. La force de François Hollande a été de réussir à agglomérer les centristes tout en ne repoussant pas la gauche du PS. Mais chaque fois que François Hollande fait un mouvement vers
l’un, l’électorat de l’autre se retire.
Il semble avoir mal compris la stratégie de François Mitterrand qui visait, justement, à gauchiser sa
campagne du premier tour et à recentrer sa campagne du second tour. Pour 2012, la stratégie du candidat socialiste est brouillonne et illisible, cherchant à convaincre par les deux bouts et
finalement, mécontentant les deux parties de ce qui devrait être son électorat du second tour.
Jean-Luc Mélenchon, qui a brillamment réussi son épreuve du feu dans "Des Paroles et des actes" du 12 janvier
2012 (sur France 2), paraît aujourd’hui l’adversaire le plus dangereux de François Hollande. La seule réelle argumentation du PS est le "vote utile" et la crainte d’un nouveau "21 avril".
Enjeux postprésidentiels ?
De tout cela, il ressort que François Hollande est une personnalité très contrastée : un garçon
brillant, intellectuellement et relationnellement, qui connaît parfaitement l’histoire politique, qui a une image positive auprès de Français, mais qui dévoile au fur et à mesure de la campagne
quelques sérieux handicaps tant à la fonction de candidat qu’à celle, s’il était élu, de Président de la République.
Ses prochains meetings seront décisifs pour jauger notamment la combativité du candidat (beaucoup ne le
trouvent pas assez offensif).
Mais peut-être que l’essentiel n’est pas là. Peut-être que le véritable enjeu en 2012, c’est de savoir qui va
reprendre le contrôle sur le PS, et, par voie de conséquence, sur les investitures dans toutes les élections ultérieures ?
Car dans la situation politique actuelle, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, il y a une
forte probabilité pour que l’UMP perde les élections législatives et que la gauche passe au moins le cap législatif, comme le Sénat le 25 septembre 2011. Du coup, un échec à l’élection présidentielle ne serait pas, pour les responsables socialistes, une grande tragédie et permettrait de laisser
ouvert l’avenir : qui, de Martine Aubry ou de François Hollande reprendra le flambeau du PS en
2012 ?
Avec en toile de fond, qui, parmi eux deux, serait le Premier Ministre en cas d’échec à la présidentielle et
de victoire aux législatives ? Mon pronostic, c’est que se serait Martine Aubry si c’était Nicolas Sarkozy qui serait réélu et François Hollande en cas d’élection de François Bayrou.
Aussi sur le
blog.
Sylvain
Rakotoarison (20 janvier 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’homme de
l’année 2011 ?
La Hollandie en péril ?
Coincé entre le souverainisme nucléarisé et
l’écologauchisme.
Le rêve à réenchanter les socialistes.
Bayrou roulerait-il pour Hollande ?
Les 60 000
fonctionnaires sur les déficits publics.
Qui va empapaouter les Français ?
Le candidat qui
revient de loin.
Et si l’hypothèse Hollande était valable ?
Il y pense en les rasant.
Bayrou plus
populaire que Hollande ?