Mont-Ruflet
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar
22e épisode
Résumé de l’épisode précédent : Les corneilles ont croassé. Les sentiers concentriques qui mènent au cœur de la forêt ne l’atteignent jamais. Le soleil se couche-t-il des fois dans les bois ? Découverte d’une population résiduelle qui paraît en savoir long sur la question...
Tournent dans les visages (mufles, hures) et l’engeance
Terrée à se taire, la marmaille souffreteuse, dolente et é
Grotante, démangée du derrière, chiards couverts de lé
Pismes, cloportes, perce-oreilles ; les vieux qui puent le
Très vieux fond de gibecière, la brisure de genévrier ou
Encor la vesse-de-loup rancie (on a le choix) ; et pour fi
Nir les tristes femelles, à gueuler sans un son, désarticu
Lées par l’éclampsie...Voilà le peuple qui a vu (et conti (1100)
Nue) ce que nous autres avons cru voir, peut-être, le so
Leil se coucher au fond des bois... Oh ! nous, c’est dans
Des livres (tiens! Le Grand Meaulnes) —qu’à rougeoyer
Entre les lignes, de tels couchants ont embrasé notre im
Aginaire, et déposé leur braise dans notre mémoire. Ou
Des récits, contes de fées, fadaises de grands-mères. Ou
Quoi encore ? Mais nul de nos gens, maîtres, valets, n’a
Pu voir cela en réalité : le soleil se coucher dans la forêt.
Eux (de la race blette et rabougrie) ont vu : les couleurs,
Brique, orangé, un rosé, l’écarlate, puis – en de longs fil (1110)
Aments le violâtre, et des mauves, un vert véronèse sus
Pect s’intercale. Des jaunes citrins, mais plombés. Voilà,
Me direz-vous, les teintes attendues – non ? Je réponds :
Oui ; là n’est pas la question. C’est le couchant même, le
Même couchant que celui que vous pouvez voir sur des
Champs, ou à la mer... Mais efforcez-vous de vous rapp
Eler un seul soleil, précis, que vous aurez vu se coucher
Dans les bois, et vous serez surpris. — Vous comprenez
Maintenant ? Or, eux ont vu, voient et verront des mille
Et des cents de soleils couchants au plus profond des es (1120)
Paces boisés. Comment ? pourquoi ? Je l’ignore. Il y a là
Ma foi, un secret, que je n’ai toujours pas pu percer... Et
Ils l’ont toujours vu sous les branches, le météore (mété
Ore... bon, le poète élargit ici un peu – pas mal – l’accep
Tion du terme. Mais s’il n’use pas, lui, de licences poéti
Ques qui le fera ? Et, « météore »... c’est beau ici, non ?).
Eh bien, donc (comme eut dit Beethoven en réassénant u
Ne phrase musicale particulièrement osée pour l’oreille
De ses auditeurs) : donc : Et ils l’ont toujours vu sous les
Branches le météore, après des hectomètres de jonchées (1130)
De feuilles, et non dans la tricherie de l’orée ou au bout
(Tympan glaireux, trouble opercule) d’une allée où il se
Serait comme par hasard encadré. Non, pas le soleil cou
Ché dans une échappée... mais comme je l’ai dit et répété
Dans les bois.. Ce dont l’anci.enne tribu seule a jamais é
Té témoin. Cependant, lui ayant tourné le dos, non sans
Un certain soulagement (car vraiment, ça n’est guère ra
Goûtant, de devoir les regarder dans les yeux, de leur ti
Rer quelques mots, maigres mots tirés de la bouche, bar
Billes, pelures de langue) – tu leur tournes le dos ils ont (1140)
Disparu, et tu retombes dans ton enfer/mement (je, non,
Je n’ai pas dit que l’enfer me ment, j’ai dit que l’enfer m’
Enferme. Non, en vérité j’ai dit, voulu dire que l’enferm
Ement est un enfer. Et là je, tu, nous sommes carrément
prochain épisode mercredi 25 janvier 2012