Comment se fait-il que, pour nous qui adorons la peinture et visitons à longueur d’année des expositions tant en France qu’en Europe, nous n’ayons jamais entendu parler de ce peintre avant la magnifique rétrospective qui lui est consacrée au musée Marmottant-Monet ?
Plus d’une centaine de toiles, d’aquarelles, bien présentées selon un fil chronologique, avec la confrontation ponctuelle avec des œuvres de ses amis : Dubois-Pillet, Pissaro, Luce, Théo Van Rysselberghe, Camoin, Manguin, Derain.
Une évolution palpable. Au début, le pointillisme, ou plutôt le divisionnisme qui a pour fondement la division de la touche de couleur, le mélange optique, l’emploi des complémentaires, les contrastes de tons. Et puis, ensuite, la touche devient plus large, presque rectangulaire, comme une mosaïque.A Venise, il se promène dans les rues avec un carnet de croquis puis recompose les paysages tels qu’il les a intériorisés, avec la chatoyance des couleurs qu’il affectionne : roses, oranges, bleus, violets, bleus, mauves ….
On comprend aussi la postérité qu'il laisse avec les fauves : Derain puis Matisse. Nous avons aussi apprécié le portrait de la femme à la voilette, de son ami Charles Camoin, encore une découverte ....Henri-Edmond Cross souffrait de rhumatismes chroniques. Il vint s’établir dans le Var et y peignit de splendides paysages marins, aux eaux miroitantes, aux sous-bois de pins parsemés de taches de couleurs délicates sur des chairs tendrement offertes, des scènes paysannes d’une grande précision et d’une infinie tendresse. Antibes, Le Lavandou, Saint -Tropez, Cavalière … Une époque et une contrée très proche de celles où vécurent mes grands-parents. Cette scène de vendanges où les vignes sont presque à ras du sol, c’était un peu comme la cueillette du jasmin de ma maman petite. Après tout, Cross mourut l’année où naquit mon père.
Chaque tableau est construit avec rigueur, demande une attention infinie. Les influences se perçoivent mais elles sont parfaitement intégrées – comme la grande vague d’Hokusaï dans le tableau « mer clapotante » qui a été choisi pour l’affiche. Le peintre a beaucoup produit tout au long de sa courte vie – il mourut à 54 ans d’un cancer. Son œuvre est d’une parfaite homogeneïté, son parcours sans faute. Raison de plus de s’étonner qu’il ne figure pas plus souvent au palmarès des artistes de son siècle !Donc, je remercie encore une fois Danièle R. de nous avoir fait découvrir ce merveilleux musée Marmottan qui recèle aussi des merveilles comme le fameux « Impressions, soleil levant » fondateur des impressionnistes. Cette exposition est une fête de la lumière, d’une grande beauté, une leçon d’harmonie, une explosion de couleurs, de douceur
Henri-Edmond Cross et le neo-impressionnisme, de Seurat à Matisse, au musée Marmottant-Monet jusqu’au 19 février, 2, rue Louis-Brouilly, Paris 16ème, fermé le lundi.