Vue de l'exposition: The Second Coming / Firth Street Gallery, Londres / 12 novembre - 23 décembre 2004
Christelle :
Economie de moyens, les aquarelles presque trop délavées, sont les œuvres les plus connues de Marlene Dumas.
Un peu de crudité dans ce monde de douceur…
Violence, mort, sexe et si les œuvres de Marlene Dumas n’était rien d’autres que des vanités modernes qui, à leur façon, nous rappellent ce que nous sommes et ce que nous serons.
Dans les nombreuses critiques adressées à l’art contemporain, il lui est souvent reproché d’être triste et violent inutilement. C’est en effet ce que l’on pourrait penser à première vue des œuvres de Marlene Dumas. Mais comme toujours, il est bon de prendre un peu de recul pour s’apercevoir que l’art à travers les siècles, n’a jamais été autre chose.
De la célébration du sexe dans la Rome Antique, aux rappels incessants à la mort du moyen âge au XIXè siècle avec les memento mori et autres vanités, l’histoire de l’art n’a jamais été une franche rigolade. J’en oublierai presque les milliers de peintures montrant le Christ souffrant, agonisant voire mort. Nous comprenons donc tout simplement que Marlene Dumas est une artiste dans la plus pure tradition de l’histoire de l’art.
Marlene Dumas, The Painter, 1994 / Huile sur toile / New York, The Museum of Modern Art
Stefania :
En vous parlant de Marlene Dumas, peintre sud-africaine très connue, je ne m’arrêterai pas sur les tableaux à sujet macabre (je trouve la provocation à travers la violence terriblement ennuyeuse, trop dans le cliché de l’artiste maudit) mais plutôt sur ses portraits d’enfants, qui m’intéressent beaucoup plus. Ses tableaux, peints avec une technique presque incertaine, faite de nuances blêmes et d’une palette antinaturaliste, ont inspiré plusieurs artistes plus jeunes, au point que l’on pourrait compter Marlene Dumas parmi les maîtres contemporains les plus “imités”.
Si vous examinez les yeux et les postures de ses portraits enfantins, même les plus anodins, vous y trouverez toujours une petite lueur qui dérange, un regard qui met mal à l’aise. Nous avons presque l’impression d’être en face d’un adulte narquois dans le corps d’un enfant.
Inutile de se scandaliser face à cette représentation dure de l’enfance, dont habituellement nous avons une vision bien hypocrite centrée uniquement sur la gaieté et l’innocence.
Marlene Dumas puise tout simplement son inspiration dans l’actualité. Même si nous sommes loin de certaines attitudes extrêmes d’outre-Atlantique (vous vous souvenez de Little Miss Sunshine ?), il suffit de jeter un coup d’œil aux magazines de mode enfantine pour se rendre compte que la sensibilité de l’artiste pousse un poil plus loin des images de l’enfance qui sont déjà bien présentes dans notre société et dans nos mentalités.
Marlene Dumas, The Invitation, 2001 / Huile sur toile / Tilton Gallery
Justine :
J’ai découvert que j’aimais bien la vulgarité à l’âge de 15 ans, lorsque ma mère m’a dit détester Madonna parce qu’elle l’était, vulgaire. Soudain, la vulgarité m’est apparue comme un moyen efficace de m’opposer à l’ordre établi, en l’occurrence, ma mère. Si la vulgarité est une attitude, elle ne fonctionne qu’en face à face. Que vous soyez vulgaires dans votre chambre, après tout, tout le monde s’en fout. Mais dévoiler son côté choc à la face du monde, cela a d’autres conséquences.
Ainsi les peintures de Marlène Dumas, celles qui parlent de sexualité et d’incarnation, me plaisent beaucoup. Ce volet de son œuvre fait écho à mon goût pour un certain regard sur la réalité, terre à terre oserais-je dire. Car il n’y a rien de plus banal qu’un sexe d’homme ou de femme, et pourtant le voir peint, de la manière dont Marlène Dumas peint, confine à une révélation. C’est sans doute à cela que je ressemble dans mon intimité, ce n’est franchement pas beau à voir, pourtant l’artiste le montre carrément !
Allez savoir pourquoi, je ne supporterais pas ces images si elles retournaient dans leur contexte publicitaire ou marchand des magazines pornographiques. Mais c’est là l’effet charmant que produit la peinture sur moi, la matière peinte me ramène à la chair, tandis que le papier glacé ne m’émeut en rien.
Marlene Dumas, Leather Boots, 2000 / Huile sur toile
Cécile:
Femme fatale, je ne le serais sans doute jamais et ce n'est pas grave. C'est, je crois, ce qui me plaît dans les œuvres de Marlene Dumas, j'y vois cette part de moi-même que je ne laisse pas exprimer. Les femmes qu'elle peint sont fatales, l'artiste montre leur sensualité, celle des hommes aussi, on ne peut peut-être pas parler de cela dans ses portraits d'enfants et encore. Sans doute n'est-il juste question pour cette artiste de montrer cette animalité que nous avons en nous et que nous masquons très souvent.
Dans ses peintures, elle explore les thématiques de la mort, du sexe, de la violence, de l'amour peut-être aussi, elle parle de la vie en gros et nous la montre sans le côté joli, mignon, au fond tellement faux-cul que certains peuvent employer. Les œuvres de Marlene Dumas sont crues, dérangeantes peut-être aussi, alors qu'elle ne nous parle que d'une seule chose : de ce qui est en chacun de nous, notre instinct, notre sexualité, nos colères, notre sensibilité, ce que nous cherchons à contraindre et à affadir. Pour ce faire, elle utilise comme point de départ des photographies, souvent trouvées puis elle s'exprime et nous montre le monde tel qu'il est, en couleurs, en mouvement dans ses peintures avant tout expressionnistes.
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Pour aller plus loin, quelques sites internets:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marlene_Dumas
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Communication.nsf/docs/IDCB9F05E0D04B607BC1256AED00494D6C/$File/dpdumas.pdf
http://www.zeno-x.com/artists/marlene_dumas.htm