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Expressionismes

Publié le 23 janvier 2012 par Marc Lenot
Expressionismes

Vassily Kandinsky, Tableau avec cercle, 1911, huile sur toile, 139x111cm, Musée des Beaux-arts Shalva Amiranashvili, Tbilissi, Georgia

Sans doute est-il un peu simpliste d’opposer, comme le fait cette exposition à la Pinacothèque (jusqu’au 11 mars) les intellectuels munichois du Cavalier Bleu aux artistes sensibles berlinois et dresdois de Die Brücke, et de tenter de faire ressortir plus ou moins maladroitement les oppositions et les convergences, au service du ‘thème’ de l’exposition, avec un discours certes orienté, mais intelligemment pédagogique. Mais il n’en reste pas moins que cette exposition de plus de 150 œuvres permet de voir un panorama de ces deux mouvements comme on en a peu vu à Paris.

Le Tableau avec Cercle de 1911 de Kandinsky, en haut, (que j’avais eu la – rare – chance de voir à Tbilissi) est peut-être en effet la première peinture non-objective, ses formes animées se démarquent non seulement de la figuration, mais aussi de la logique, de la géométrie, du constructivisme comme du cubisme et, découverte de l’exposition, elle est comme un signal des futures impressions, improvisations et compositions.

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Emil Nolde, La Mer le soir, 1919, huile sur toile, 86x100 cm, Wilhelm Lehmbruck Museum, Duisburg

Il y a ici beaucoup de tableaux méconnus (et de gravures, le plus souvent sur bois), venant de petits musées qu’on a rarement l’occasion de visiter, à Düren, Duisburg, Hagen, Wiesbaden, Gelsenkirchen, Krefeld, Ascona, mais aussi Tbilissi, Erevan, Krasnoïarsk, et même Kazan : qui de vous, lecteurs, y a jamais visité le Musée des Beaux-arts de la République du Tatarstan, d’où viennent l’Improvisation n°34 de Kandinsky et une toile de Larionov (certes un peu loin de l’expressionisme…)? Le fait que l’exposition soit organisée par thèmes (paysages, nus, natures mortes,…) n’apporte pas grand-chose, sinon de la simplification, d’autant plus que la section ‘animaux’ semble un peu pauvre, Marc et Macke n’y étant représentés que par des gravures, dessins ou sculptures – mais aucun tableau, hélas -, et que, par exemple, éclater les tableaux d’un même peintre entre les sections oblige à d’incessants allers et retours.

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Emil Nolde, Jeune érudit,, 1918, huile sur toile, 57x38cm, Kunstmuseum Gelsenkirchen

Ci-dessus, par exemple, un tableau d’Emil Nolde, de 1919, La mer le soir, se trouve dans la section 'Le voyage' ; on peut y distinguer la voile verte et la coque brune d’un bateau, mais le reste n’est que couleur peinte à grands traits, que jeu de lumière où les reflets dissolvent les formes. Et ci-contre, du même, dans la section ‘Les Gens’, un Jeune érudit de 1918, visage fantomatique et front haut, où le traitement des couleurs froides (de là à dire que ces couleurs malsaines traduisent « le mal-être d’un peintre allemand à la fin de la 1ère guerre mondiale », il y a un pas que je ne franchirai pas), le jeu des ombres, le rendu des aplats auraient rendu agréable et fructueuse une confrontation entre ces deux tableaux.

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Marianne von Werefkin, La Grand'route, 1907, tempera sur papier marouflé sur carton, 69x105cm, Marianne Werfkin Foundation, Museo comunale d'arte moderna, Ascona

Ce paysage de Marianne von Werefkin, La Grand’ route, de 1907 m’a attiré car la netteté du trait des trois femmes sous leurs fichus blancs confrontée à la vibration mystérieuse qui semble posséder tout le paysage, route, pieux, marais, a évoqué pour moi une toile de Munch.

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Erich Heckel, Baigneuses dans la baie (l'été à la mer Baltique), 1912, huile sur toile, 96x85cm, Wilhelm Lehmbruck Museum, Duisbrug

Parmi les curiosités de l’exposition, un tableau double-face de Hermann Max Pechstein de 1911, deux nus en plein air d’un côté, une femme nue allongée de l’autre. Mais le nu sans doute le plus intéressant, le plus païen, le plus naturel (ou naturiste) est une grande toile d’Erich Heckel, Femmes au bord de la mer, de 1913, sans doute un indice de la manière dont les peintres de Die Brücke passaient leurs étés ensemble au bord de la Baltique, en toute liberté de mœurs en cette époque puritaine ; l’intérêt vient de la conjugaison des couleurs froides, les corps schématiques et anguleux, et les rochers semblent avoir une existence propre.

Il faut mentionner encore le grand nombre de xylographies, ces artistes étant, avec Munch, les principaux innovateurs dans ce domaine. Une exposition à voir, sans aucun doute, en ne se laissant pas enfermer dans la codification trop rigide du commissaire pour distinguer les deux groupes.

Photos 1 & 5 courtoisie de la Pinacothèque; photo 2 de l'auteur. Kandinsky et Heckel étant représentés par l'ADAGP, les reproductions de leurs oeuvres seront ôtées du blog à la fin de l'exposition.


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