Qatar : une surdimension (1/2)

Publié le 22 janvier 2012 par Egea

Le Qatar intéresse la majeure partie du public français pour des raisons footballistiques : il est propriétaire du PSG, a viré Kambouaré et acheté les droits télé du foot. Des choses importantes qui montrent, symboliquement, l'investissement de l'émirat : car il y a probablement des raisons non seulement financières et sportives, mais aussi d'influence dans cet activisme. Retour sur un petit pays fort intéressant, dont la surface géopolitique dépasse de beaucoup l'aire géographique.

Au point que la caractéristique du Qatar semble, aujourd'hui, être la "sur-dimension". Billet en deux volets, l'un sur les racines géopolitiques, l'autre sur la géopolitique la plus récente du Qatar.

1/ L'émirat a refuse de s'associer aux EAU, lors de leur création en 1971. La forme en presqu'île et la surface assez importante (160 Km de long sur 80 de large) permettaient en effet une autonomie géographique, renforcée par les ressources : moyennes en pétrole, très importantes en gaz (3ème producteur mondial) : ce qui était marginal en 1971 devient de première importance aujourd'hui, en ces temps de pic pétrolier et de recherche d'une énergie alternative. La montée du gaz favorise la montée du Qatar.

2/ On note des différends entre le Qatar et Bahreïn (à l'ouest), les EAU (à l'Est) et l'Arabie Saoudite (au sud, le voisin trop puissant). La Qatar reste sous la domination de la famille Al Thani, dynastie régnante depuis les accords avec les Britanniques au milieu du XIX° siècle. Toutefois, l'ascension du Qatar date de 1995 : cette année-là, Hamad Al Thani renverse son père, alors en vacances en Suisse (les sports d'hiver constituent, c'est bien connu, une activité dangereuse! Surtout quand on les pratique en juin).

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3/ Voilà un de ces cas où l'homme d’État influence radicalement son pays : aussi bien à l'intérieur (levée partielle de la censure, adoption d'une Constitution, même si le multipartisme est interdit) qu'à l'extérieur, au travers d'une politique de médiation d'abord régionale, et désormais plus vaste. Ainsi, la chaîne de TV Al Jazeera est fondée en 1996... Al Jazeera prend son essor après le 11 septembre 2001, puis en 2006 avec une chaîne en anglais. Elle joue un rôle particulièrement visible dans le soutien aux révoltes arabes de 2011.

4/ Si le royaume est wahhabite et sunnite, il ne pratique pas les options rigoristes des Saoudiens. Toutefois, le Qatar semble constituer le fleuron d'un pan-arabisme sunnite : au fond, le qatarisme est un néo-nassérisme mais non laïc : il appuie la coïncidence entre l'islam et la langue arabe : ceci explique en grande partie la diplomatie qatarie au cours des quinze dernières années.

5/ Cette diplomatie s'est activée autour de plusieurs questions :

  • le conflit israélo-palestinien : Un bureau commercial israélien a été ouvert en 1996, seul dans la région et toutes les parties sont venu négocier à Doha. Toutefois, on sent une inflexion de la position qatarie depuis l'affaire de Gaza en 2008 : le froid s'est installé aussi bien avec Israël qu'avec l'autorité palestinienne.
  • la question iranienne : Le Qatar s'efforce de maintenir de bonnes relations avec le voisin iranien, à la différence d'autres pays du Golfe qui sont beaucoup plus hostiles. Toutefois, le Qatar accueille des installations américaines (base militaire d'El Oudei, avec une centaines de chasseurs; Doha a accueilli le CENTCOM lors des opérations d'Irak en 2003).
  • la question libanaise : la Qatar a beaucoup œuvré à l'accord inter-libanais de 2008 (signé justement à Doha).
  • Yémen : la Qatar a joué un rôle de médiation d'abord lors de la crise des rebelles houthistes, puis au cours des récents troubles.

Il reste que cette voie montrait qu'une certaine habileté régionale. L'année 2011 voit une sorte de changement de rythme.

(à suivre)

O. Kempf