Magazine Journal intime

Où il est question de la mer, d’un foutu réveil et de clafoutis !

Par Vivresansargent

Mardi 17 Janvier :
Une porte claque. Une autre porte claque. Je claque « ma » porte. La voiture est fermée. Mathilde, Charlotte et moi sommes sur le parking de la pointe du Raz. Il est midi 06 (Catherine de). La température extérieure, comme l’indique le thermomètre de la voiture que Jean-Yves (le propriétaire-médium-guérisseur-loufoque-thérapeute de la ferme) nous a très gracieusement prêtée, est de 9° Celsius. Le vent souffle faiblement et le soleil, bien que timidement, est de la partie. Une bonne chaussure au pied droit, une autre au pied gauche, de chauds vêtements, un sac à dos avec au-dedans, de quoi se caler un bout pour le déjeuner, une bouteille d’eau et trois WWOOFers prêt à mouiller le maillot. C’est la recette d’une bonne rando « maison ». On a tout les ingrédients, et comme dans la cuisine, un peu d’imagination est toujours bienvenue, on rajoute une pincé de gaîté et une autre de hommoté (cherche pas trop quand même!).
C’est superbe. Le paysage est fantastique. Que la Bretagne est belle. La mer, un peu verte, un peu bleu, un peu transparente, bruyante, très salée et très mouillée nous entoure de ses longs bras houleux. Qui visite qui ? Sommes nous venus voir la mer ou la mer vient-elle nous voir ? J’en suis là de mes pensées de randonneur ivre de cet air chargé d’embruns que nous offre l’océan. Nous sommes à quelques encablures de la voiture et déjà, mon sang n’est plus le même. Il est passé d’un rouge fermier à un rouge marin. C’est exactement le même sang, mais un est fermier, et l’autre est marin (tu suis toujours ou je ralentis baby!).
Ça monte, ça descend, ça serpente, il y a des cailloux, il y a du sable, il y a du thym, de la bruyère (ça c’est pas vrai mais j’aime bien la chanson) et pour aller un peu plus loin, j’affirme, qu’il y a de quoi en faire un plat, de ce coin (si t’as pas trouvé quelle est la chanson, laisse béton Léon!).

Pour le déjeuner, on se met en quête d’un endroit pas trop mal voir plutôt bien, pour se poser. L’heure du casse-croûte a sonnée, il y a déjà un petit moment. Au loin, une avancée rocheuse tente de blesser l’océan, en vain. On va s’abriter du vent derrière ce truc immense. Chouette, il y a même de la mousse sur le sol. Comme on a pas pris de chaise, elle est la bienvenue. Au menu, des carottes, du choux rouge, de la betterave, du pain de seigle, du beurre, des pommes et des kiwis. On a pas d’assiette, pas de verres, pas de sel, pas de poivre, pas de dessous de plat, pas de carafe d’eau, pas vin, pas de Boursin, pas de confiture, pas de fromage, pas de jus de pommes, pas de navet, pas de serviette, pas de fourchette mais, on a des couteaux et c’est pas si mal.
Le repas, pour cause de froid, est vite expédié, les os sont glacés et les muscles endoloris. Une fois le dernier kiwi avalé, on décampe. On est partis trop vite. C’est du moins ce que nous dis Charlotte et, elle a raison. Après seulement quelques minutes de marche, on s’arrête de nouveau pour reposer nos estomacs vivement secoués !

La baie des naufragés, une beauté simple, une simple beauté (quand j’étais jeune, j’ai lu une rédac de mon frère où il avait écrit cette formule que j’ai gardée : « un certain humour et un humour certain ». Je rends donc à César, ce qui lui appartient.). Des hauts sentiers côtiers, on aperçoit, au loin, la belle baie (phonétiquement rigolo, non?). Longue de quelques quatre cent deux mètres et cinquante deux centimètres (environ) et large de deux cent autres mètres, elle paraît petite et vulnérable, du haut de notre perchoir. Le sable fin luit d’être trempé par l’océan, sous ce faible soleil d’hiver. La mer scintille, calme et paisible. Un chien donne tout ce qu’il a pour ramener le bâton que son maître lui lance, inlassablement. On approche.
Sur la plage, charlotte écrit OSEZ en caractères lisible des hauts sentiers. Je lui emboîte le pas et j’écris, avec le talon gauche : la Bretagne, ça vous gagne. Là-haut, un couple attend de voir ce que j’écris. Une fois L’OEUVRE de land art terminée ? Le couple descend sur la plage. Ils apprécient et ont pris la plage, griffée, en photo. Le bonhomme, me demande mon adresse mail pour m’envoyer ces photos ; cool (and the gang) !

Journée vraiment chouette. Quand nous rentrons à la ferme, il fait noir et les montres indiquent que l’on a dépassé 20 heures de trente minutes.

Mercredi 18 Janvier :
Le réveil de mon téléphone sonne. J’ouvre un œil. Le réveil continu son job et joue sa petite musique douce. J’ouvre l’autre œil, pas le choix. J’attrape donc mon téléphone, du bout d’un bras et, l’espace d’une seconde, je me dis qu’un jour, il finira contre un mur, en 104 morceaux. Dans notre compétition de celui qui fait le plus ch.. l’autre, il mène 3089 à 4. Je ne vois que ce geste destructeur mais efficace pour rattraper mes 3085 points de retard.
J’ose à peine sortir de mon lit car la différence de température entre l’air ambiant de la chambre et l’intérieur de mon duvet doit être de 17° ou peut être 41°, sais pas trop! J’ai peur, en sortant du lit, de voir mon corps exploser dans un choc thermique des plus tragique.
Il fait encore nuit quand je lance ma jambe droite à la conquête des petits chemins de campagne, pour une course à pied matinale. Le brouillard est à couper au couteau. Comme je n’en ai pas pris (de couteau patate!), je fais sans et je mets mes yeux, ainsi que tous mes autres sens, à l’épreuve. De nuit, en plein milieu d’une purée de poix, les conditions sont merdiques, voir craignos. Surtout quand, pendant cinq minutes, je suis sur la départementale du coin. Bon d’accord, y a pas grand monde sur les routes à cette heure (en fait il est huit heure!) mais les quelques automobilistes que j’ai croisés ont dû avoir une drôle de surprise en voyant courir un type, pas du tout habillé en tenue de sport qui plus est (pas assez de place dans mon sac à dos. Il a fallu choisir. J’ai choisi, je cours en jeans!).
Après trente cinq minutes de course (c’est la reprise, cool Raoul!), je suis prêt pour une journée à la campagne.
Ah la campagne ! Les repas sur la longue table en bois, près du poêle, sont des moments de plaisir partagés. La corvée de bois, les oiseaux qui envahissent les peupliers à la tombée de la nuit. Chaque instant de la journée apporte son lot de plaisir. Quand il faut descendre au champ pour clôturer le pré des chèvres, on laisse le vent nous coiffer à la mode de chez nous. Les pieds pénètrent la terre et les mains se calent dans le fond des poches. Ah la campagne ! Les courges de Nice qui fondent dans la marmite, sur la cuisinière, pour la soupe du soir. Les confitures et les fromages « maison ». La grosse vache et les agneaux noirs qui ruminent la même herbe. Le tracteur, immense, du voisin qui manque de t’arracher un jambe quand tu le croise. Le linge qui sèche dans le grenier. Ah la campagne ! Ce chien là-bas qui aboie, ce chat gris qui s’étire dans la cour, une souris dans la gueule. Le coq qui fait le coq et les poules qui caquettent.
En quittant la ville, c’est exactement ce que je cherchais. Une certaine liberté, un certain calme, une certaine évidence.

Vendredi 20 Janvier :
Aujourd’hui, on fait du pain. Le feu est allumé dans le four à pain vers midi pour plusieurs heures de chauffe. On doit attendre que la voûte soit bien blanche, signe de grosse chaleur. Et pendant ce temps là (à Véracruz (pour les cinéphiles)), on pétrit, on pétrit et on pétrit encore. Ici, la technique n’est pas la même que dans la ferme de Mortagne au Perche. On pétrit sur la table et on travaille moins la pâte après la première « levée ». Ici, comme là-bas, on utilise du levain à la place de la levure. Le levain, en Américain euh…en gros, pardon, c’est un bout de la pâte que l’on garde et que l’on « nourrit » d’eau et de farine pour l’utiliser la semaine d’après. Y’a quelqu’un qui m’a dit que (tu m’aimais encore) certains levains sont maintenus en « vie » des années durant…Ça t’en bouche un coin, non ! Si non, c’est que t’es triste Baptiste !
Les manches relevées, le front blanc de farine et les muscles des bras survoltés, on pétrit. Un fond de musique (j’ai mis Supertramp) rythme l’action. La pâte prend chère, elle prend une grosse trempe, voire une super trempe (tout ça pour ça.) !
Une fois la pâte bien travaillée, on la laisse lever dans une armoire chauffée, un certain temps, un temps certain (trop fort mon frère!) Et devine quoi…elle lève ! Juste avant le repas (j’ai préparé du riz complet avec une purée de potirons et une fondue de poireaux à la cannelle), on moule les pâtons et on replace le tout dans l’armoire qui chauffe toujours. On passe à table et pendant ce temps là (à Veracruz (pour les amnésiques!) le pain lève toujours.
Il est 15h30, le four est bien chaud, on enfourne. Cette étape est rigolote. Avec la grande pelle en bois, on vient placer le pain au fond du four et, d’un coup sec, on retire la pelle et, si t’es pas trop nul, la boule de pain prend la place que la pelle tenait l’instant d’avant, poils aux dents.
Après une grosse demie heure (soit, comme tu le sais, dans mon langage, une demie heure américaine!), le pain est défourné. Pour s’assurer de la bonne cuisson du pain, tu le retourne et du bout de l’index et du + de 18 ans, euh…du majeur, tu tapote la croûte. Si ça sonne comme sa sonne quand on tapote sur ta tête, creux, c’est cuit !
Comme le four à pain est immense, on en profite, le vendredi, pour faire des gâteaux et autres plats pour les jours suivants. Clafoutis, crumble et pizzas sont les plats du jour. La vie est simple et belle.

Samedi 21 Janvier (dans 2 mois c’est le printemps!) :
C’est le jour du marché. Jean-Yves et Maria partent de bonne heure pour Quimper. La mission du jour pour eux, vendre le pain cuit la veille, des potirons, des kiwis, des châtaignes et autres produits de la ferme comme la confiture, la compote ou les œufs.
Comme Charlotte est partie en week end et que Mathilde a quitté la ferme, je reste, ce matin, seul à la ferme. Ma mission du jour, couper des tonnes de potirons pour les mettre au congélateur. La terre offre tant et tant de cucurbitacées qu’il faut en congeler une partie, faire des confitures, des compotes et tout le tralala !
Je coupe, je tranche, j’épluche. Toute la matinée je joue du canif. Je manipule de la lame depuis un peu plus que quelques années, pourtant, sur l’index droit, au niveau de la paume, une ampoule, une poulette, une cloque (j’aime bien être claire, tu sais!) vient me prouver, une autre fois, que la vie à la ferme, c’est autre chose que de lire des journaux dans les bars, hey Gaspard !

Ce matin (un lapin), Marie-Thérèse, la maman de Jean-Yves, belle maman de Michelle (ma belle) me confie une autre mission. Elle, cette mission, est essentielle au bon fonctionnement de la ferme, elle, cette mission, forge le caractère et elle, cette mission, te fais apprécier l’odeur des fleurs. Je dois curer le poulailler, poils aux nez (quoique là, le poil je l’ai dans le creux de la main!). Il faut curer, je cure. Je pense que je fais ça bien mieux que le curer du coin, Marie-Thérèse (y a la 106 qui s’allume ! http://youtu.be/ESIiX4xn5wE) est contente. On parle. Je lui pose des questions sur le comment du pourquoi concernant les poules. Et, avec grand plaisir, je le vois, elle éclaire ma lanterne.

17h00 : l’heure de nourrir les animaux.
On commence par aller dans le champ des chèvres pour les ramener à la chèvrerie. Une fois les chèvres au chaud, ce qui nécessite une certaine poigne, une certaine douce force de persuasion car elles ont du caractère les petites, on file au champ des brebis pour les ramener dans la, devine quoi génie…la bergerie, trop fort musclor !
Une fois la balade terminée, on va chercher la vache. Docile, simple et silencieuse (pas comme celle avec qui tu vis, n’est-ce pas mon gars!) elle connaît le chemin par pique (y’a pas que le cœur dans la vie!). Elle est adorable, la vache.
Une fois tout le monde sous les toits, c’est l’heure de manger. Et, crois moi (ou pas!), ça s’entend ! Ça braille dans tous les sens. Les mères appellent leurs petits et les petits appellent leur mère. On se croirait dans une des classes de l’école d’enseignement adapté où j’ai travaillé comme assistant d’éducation (pour ne pas dire pion!), près d’Angers, un vrai bordel, un vacarme primaire. C’est la fête ! Les râteliers sont remplis de foin, les gamelles pour le sel sont remplies de….sel et ont s’assure que les points d’eaux sont propres et accessibles. Aujourd’hui, la brebis numéro 42 a un problème. Ce matin déjà, couchée sur le côté, elle haletait tant que j’ai pensé qu’elle allait mettre bat. Je lui ai donné à mangé et lui ai apporté de l’eau. Une heure plus tard, elle n’a pas bougé. Je décide de l’aider à se lever. Je l’aide à se lever. Elle se lève. Elle suit ses copines pour partir au champ, tout va bien. Sauf que ce soir, rebelote ! Elle a l’air mal, la pauvre. J’appelle Jean-Yves propriétaire-médium-guérisseur-loufoque-thérapeute à la rescousse. Il pose ses mains sur la bête et lui parle gentiment pendant cinq minutes. Son diagnostic est sans appel. C’est le cerveau. Elle ne peux plus se lever faute d’une bonne coordination des membres. Pour te donner une idée de la scène, tu vois comment ça fait une fille qui fait un créneau, c’est le même pataquès, beaucoup de bruit, de grands mouvements mais aucun résultat !
Je risque de voir mourir cette brebis avant mon départ. Si cela arrive, ça sera la deuxième en deux mois, une hécatombe.

Ce soir, sur terre, on est samedi. Comme le dit Francis, on est juste un samedi soir sur la terre. Je suis d’humeur lyrique. Il est 22h28, je rentre dans cette grande chambre presque vide et je rechigne à l’idée de rentrer dans ce grand lit qui lui, l’est complètement. Je me désape prestement car Marie-Thérèse fait des économies sur le chauffage. Je mets de la musique pour la séduire un peu, la réchauffer un peu. Qui ? Ma couette. Neil Young, l’album Harvest (là, tous les mélomanes de la terre se disent : ouais man, trop cool, trop bon ! Si t’es pas d’ceux là, file chez un bon disquaire dès demain, gros malin!).
Ce lit donc, puisque l’idée est d’écrire un paragraphe sur le sujet, me fait l’effet d’un glaçon qui glisserai le long de mon dos. Ce lit me semble aussi accueillant que la poste aux heures de pointe. Ce lit, de profil, ressemble, à si méprendre, à un oursin de mer. A coup d’imagination bien aiguisée, je taille ma route (plus rien ne me dégoûte) parmi cet entrelacs de pics et autres lianes coupantes. Quand je rentre dans mon lit, j’ai l’impression que le matelas est rêche comme le côté vert d’une éponge. Ma couette, mentionnée plus avant, me gratte, me brûle et m’irrite (une baigne). Si on me donnais, pour couverture, du papier de verre 80, j’arrêterais, dans la minute, de me plaindre, constatant l’amélioration sensible de ma situation. Neil fait le job. Il casse les pointes des pics, lisse le papier de verre et fait griller l’oursin. Ça sent bon dans la chambre. Le huitième morceau (Alabama) est terrible. Je fais mon autiste, balançant la tête d’avant en arrière. Le casque se décroche d’une oreille. Je remets le casque. La danse continue. Je constate que mon paragraphe se termine. Je vais le relire, laisse moi  3 minutes………………………………………………………………………….

Ok, je valide. J’ai pas vu de fautes d’orthographe, cool. Je me souhaite une bonne nuit car, t’es pas là pour le faire. Je me souhaite une aussi bonne nuit que la journée a été bonne. Comme demain la journée sera bonne aussi (je le sais, c’est moi qui vais la faire), la semaine aura été une bonne semaine. Une semaine que jamais je ne revivrais et que je suis ravi d’avoir vécu. C’est avec ce principe fondamentale que je vais attaquer la semaine suivante : « Si je fais en sorte que tous les jours de ma vie soient agréables à vivre alors, ma vie entière sera agréable à vivre ! C’est simple. C’est mathématique.

Bonne nuit les amis !

PS : Voyagez plus pour vivre plus !

re PS ( ou UMP, pour pas faire de jaloux!): Nous les Nicolas, on aime bien les slogans. Bon d’accord, lui est président moi pas. Mais lui est triste, moi pas !


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