Soldat Bleu

Par Tepepa

Soldier Blue
1970
Ralph Nelson
Avec : Candice Bergen, Peter Strauss, Donald Pleasence
Surtout connu pour son massacre final, qui fait de Soldier Blue l’un des westerns les plus radicalement pro-indiens, voire anti-américain de l’histoire, c’est finalement plus l’espèce de tragi-comédie précédant le massacre – et constituant la matière principale du film – qui nous surprend aujourd’hui. Candice Bergen, plutôt fade et anachronique dans La chevauchée sauvage, est tout aussi anachronique ici, mais loin d’être fade. C’est elle qui est chargée de réveiller la conscience du pâlot Peter Strauss, déclamant des facts and figures documentés qui pourront vous resservir pendant vos discussions de café du commerce. Démonstratif dans sa violence finale, le film l’est aussi dans son propos. Enfonçant des portes désormais grandes ouvertes depuis longtemps, Soldier Blue reste au ras des pâquerettes dans son propos, sans vraiment convaincre. Pire, la violence finale des Tuniques Bleues est tellement outrée, leurs rires vicieux sont tellement surjoués, que cette violence à l’encontre des indiens se révèle in fine moins percutante que celle mieux maîtrisée, plus courte, émotionnellement mieux amenée de films, comme Little Big Man ou Danse avec les loups. Le malheur dans tout cela étant que ce massacre évoque des massacres bien réels, celui de Sand Creek en 1864 et celui de Mŷ Lai au Vietnam en 1968.
Et donc, déçus de cette radicalité annoncée qui tombe plutôt à plat, on est par contre charmés par le reste, le road movie qui précède. Candice Bergen, loin d’être fade donc, possède en plus de son extra-lucidité sur le problème indien, un franc parler appréciable, une débrouillardise de tous les instants, des rôts bien modulés, des injures de charretier, et des vêtements qui s’amenuisent sans cesse. Peter Strauss s’applique à être benêt, et fait tout pour que l’inversion des rôles soit la plus caricaturale possible. La scène dans le chariot où il ne peut se résoudre à détacher avec les dents les liens de Candice Bergen sans préalablement lui couvrir pudiquement les fesses ballotantes, en est la plus marrante illustration. Donald Pleasence, de son côté porte le patronyme de Isaac Q. Cumber, ce qui ne jurerait pas dans un western parodique. De ce coté là, Soldat Bleu est vraiment bien inscrit dans la lignée des années 70, où le western se retrouve réduit à un simple décor convenu, dans lequel on fait son intéressant en détournant malicieusement les codes du genre un par un. Rencontres pittoresques, aventures iconoclastes, ton décalé, musique seventies de type Jon Baez, on apprécie la liberté de cette époque, la volonté de faire des films différents, d’inventer quelque chose de neuf, tout en restant formellement accessible et divertissant. Le contraste avec le massacre final aurait dû en être d’autant plus violent, mais comme on est au courant à l’avance de ce qui va se passer, tout est largement désamorcé, surtout qu’en terme de boucherie, Il faut sauver le soldat Ryan et John Rambo ont largement fait sauter le verrou supérieur depuis. Restent donc quelques images symboliques fortes, comme cette armée américaine qui piétine le drapeau américain et le drapeau blanc. Ce qui est quand même couillu, même dans les années 70.
Le dividi Studio Canal : ne vous fiez pas à la jaquette, il y a bien la VOST, et heureusement car la VF a certaines intonations grotesques à fuir.