Institué par la loi des 16 et 24 août 1790, le tribunal de commerce ne prend vraiment la suite de la Juridiction consulaire d'Ancien régime qu'à partir de mai 1792.
Escalier d'honneur en marbre marqué du "N" napoléonien
Composé comme sa devancière de juges élus par les commerçants, il tranche les litiges entre commerçants ou associés de sociétés commerciales, examine les contestations portant sur des actes de commerce et règle les Faillites et les liquidations judiciaires des commerçants ; jusqu'en 1909, enfin, il est la juridiction d'appel des jugements du conseil de prud'hommes.
Escalier haussmannien descendant aux locaux techniques
Par ailleurs, le greffe du tribunal de commerce assume d'importantes responsabilités administratives en matière d'Identité commerciale, d'Identité artisanale et de Protection de la propriété industrielle : dépôt des actes de société (statuts, procès-verbaux de conseils d'administration et d'assemblées générales portant sur l'évolution du capital social, la dissolution de la société, etc.), dépôt des marques de fabrique, tenue du registre du commerce à partir de 1919 et du registre des métiers (de 1936 à 1962). Ces séries d'archives gagnent à être exploitées concurremment à une publication en série de référence, l'Almanach du commerce ou Bottin du commerce.
Chambre des référés
Epargné par les incendies de 1871, le fonds d'archives du tribunal de commerce comprend une série interrompue de Minutes des décisions commerciales (1792-1971), parmi lesquelles on isolera les ordonnances de référé prises pour la Restitution des biens commerciaux spoliés (1945-1947). Plus anecdotiques mais d'un réel intérêt pour l'histoire alimentaire de Paris, les documents relatifs aux Mandataires aux Halles centrales de Paris (1878-1972) méritent d'être signalés.
Cour intérieure (7 x 6 colonnes)
Aujourd’hui, la justice commerciale a son code, ses juges et son personnel spéciaux. C'est au XIVe siècle qu'on a reconnu en France la nécessité de trancher les procès en matière de commerce et d'industrie par des hommes compétents, usant des procédures expéditives. C'est au roi Charles IX que Paris doit son Tribunal de commerce. Aujourd'hui la justice consulaire est régie par le Code de commerce promulgué les 20 et 21 septembre 1807. Les juges sont nommés pour deux ans par le suffrage universel des commerçants domiciliés et patentés dans le département de la Seine. Autrefois le Tribunal consulaire siégeait derrière l'église Saint-Merry à l'hôtel des Consuls, sur la porte duquel on voyait une statue de Louis XIV par Simon Guilain ; ce Tribunal se composait de cinq marchands, le premier portant le titre de juge et les quatre autres celui de consuls.
Salle des pas perdus (1er étage)
Le Tribunal de commerce ne quitta le vieil hôtel de la rue Saint-Merry qu'en 1826 pour s'installer dans le nouveau palais de la Bourse, dont il occupa le premier étage, du côté de la rue Nôtre-Dame-des-Victoires. Les développements successifs des affaires financières rendant le local trop étroit pour le Tribunal comme pour les agents de change et pour le public, on décida de construire un palais à part pour le Tribunal de commerce. On choisit à cet effet l'emplacement actuel, formant un quadrilatère borné au nord par le quai aux Fleurs, à l'est par la rue Aubé, au midi par la rue de Lutèce, à l'ouest par le boulevard du Palais. Ce choix entraîna la destruction de toutes les parties subsistantes de l'ancienne Cité. On ne sera pas fâché d'en trouver ici le souvenir.
Grande salle d'audience
En reconstruisant la façade principale du palais de Justice, Desmaisons et ses confrères avaient éventré en 1784 les vieilles maisons qui faisaient face à la cour d'honneur, et les avaient remplacées par une place en demi-cercle, qui s'appela place du Palais-de-Justice ou de la Barillerie, retenant ainsi le nom de la rue qui traversait l'île, du pont au Change au pont Saint-Michel, et qui, notablement élargie, s'appelle aujourd'hui boulevard du Palais. La place se prolongeait, à droite de la grille d'honneur, par un léger tronçon, qui, aboutissant ensuite à la rue de la Vieille-Draperie, se continuait par la rue des Marmousets et la rue Chanoinesse jusqu'à l'extrémité orientale de l'île, et se terminait au chevet de la cathédrale et à l'abreuvoir.
Le lion d'accueil (celui de gauche en entrant dans le Tribunal connu pour porter bonheur)
Entre ce large tronçon, la rue de la Barillerie et le quai, s'élevait, recoupé par la rue de la Pelleterie, un pâté de maisons auquel s'adossaient sur la gauche les restes de la vieille église de Saint-Barthélemy, transformée, vers la fin de 1792, en un théâtre qui porta les noms les plus divers : théâtre Henri IV, Palais-Variétés, théâtre de la Cité, Cité-Variétés et théâtre Mozart. C'est là qu'on représenta en 1795 l'Intérieur des comités révolutionnaires, la plus sanglante satire qui ait jamais flagellé la tyrannie des Jacobins, et, dans un autre genre, la Forêt périlleuse ou les Brigands de la Calabre, le type achevé de l'ancien mélodrame.
Supprimé en 1807, le théâtre subit diverses transformations : loge maçonnique, estaminet, et finalement bal public, dont les Parisiens gardent encore le lointain souvenir ; c'était le bal du Prado, cher aux étudiants. A l'angle du demi-cercle et de la rue de la Barillerie, le café Thémis offrait ses déjeuners à la fourchette au monde judiciaire ; les avocats en robe y conféraient avec leurs clients, comme dans une succursale de la salle des Pas Perdus, et les chroniqueurs des journaux judiciaires venaient y prendre quelques instants de repos.
Escalier à double volute
Tout cela disparut pour faire place au nouveau Tribunal de commerce, édifié en 1866 sur les plans de l'architecte Bailly. Sa façade principale sur le boulevard du Palais ne comporte qu'un seul étage, surmonté d'un attique. Au rez-de-chaussée, un avant-corps central est percé de cinq grandes arcades en plein cintre. Les pavillons d'angle sont aussi faiblement accusés que l'avant-corps central ; c'est le défaut habituel des constructions modernes ; elles manquent de saillies prononcées.
Le principal corps de logis est couronné d'une coupole à huit pans de 45 mètres de hauteur, percée d'œils-de-bœuf que surmontent des frontons sculptés. Cette coupole, qu'on a beaucoup critiquée, a cependant un double caractère historique. Elle reproduit, sur le désir exprimé par Napoléon III, le trait principal d'une petite église que l'empereur apercevait à sa gauche, émergeant des bords du lac de Garde, pendant qu'il attendait les résultats de l'attaque qu'il venait d'ordonner sur la tour de Solférino. Ce petit bourg perdu dans les arbres, c'était Desenzano, et M. Bailly, en élevant la coupole octogonale du Tribunal de commerce, a doté Paris d'un souvenir consacré à la glorieuse journée du 24 juin 1859.
La façade du palais, sur le quai de la Cité, offre trois arcades portées par des colonnes de style composite, que surmontent d'insignifiantes statues de la Loi, de la Justice, de la Fermeté et de la Prudence. Au-dessus d'elles règne un fronton en attique que supportent quatre figures décoratives de Carrier-Belleuse. La façade de la rue de Lutèce, du côté du midi, répète la façade du quai de la Cité.
Gland de la main courant en marbre
Celle de l'est, sur la rue Aubé, ne répète rien et ne représente rien. Les arcades de la façade principale ouvrent sur un grand vestibule d'où l'on monte à la salle des Pas Perdus et aux salles d'audiences par un escalier dont l'aspect monumental et la riche décoration ne compensent pas la raideur, aussi pénible aux jambes des plaideurs qu'à celles de leurs juges. La salle d'audience est longue de 13 mètres sur 13m50 de large. Elle est ornée de peintures dues à Robert Fleury et rappelant les fastes de la juridiction consulaire depuis Charles IX jusqu'à Napoléon III.
L'îlot du Tribunal de commerce au nord de la rue de Lutèce a pour pendant du côté méridional, c'est-à-dire entre la rue de Lutèce et le quai de la Cité, la caserne de la garde républicaine et deux hôtels annexes ayant façade sur le boulevard du Palais ; le premier, numéroté 7, est affecté à l'habitation personnelle du préfet de police et à son cabinet ; le second, numéroté 9, contient l'état-major des sapeurs-pompiers de la ville de Paris.
Statue napoléonienne
Ce dernier corps est institué spécialement pour le service contre l'incendie dans la capitale, sous la direction du préfet de police ; il est cependant placé dans les attributions du ministre de la guerre pour ce qui concerne son organisation, son recrutement, le commandant militaire, les récompenses et l'administration intérieure. Les vices de cette dualité, au point de vue du choix de l'aptitude des sapeurs-pompiers comme de leurs chefs, ont été mis en lumière par l'affreuse catastrophe du théâtre de l'Opéra-comique, au mois de mai 1887, à la suite de laquelle on entendit le colonel des sapeurs-pompiers déclarer devant la justice qu'au moment où il fut appelé à ce commandement, il était « pompier comme la lune ». L'état-major des sapeurs-pompiers occupe seul l'hôtel du boulevard du Palais ; les douze compagnies des deux bataillons qui le composent sont réparties entre cent cinquante casernes, postes et postes-vigies disséminés dans les vingt arrondissements de Paris.