Depuis le fiasco de la taxe carbone au printemps 2010, le débat sur la fiscalité environnementale en France était au point mort. La question n'était pas traitée par les responsables politiques qui semblaient s'accommoder du status quo actuel. La majorité des écologistes français se contentait de réclamer la mise en place d'une taxe carbone sans qu'il y ait eu une véritable réflexion sur l'opportunité d'installer cet outil fiscal très impopulaire.
Tout semble maintenant bouger. La crise de la dette a permis d'ouvrir les yeux à beaucoup. Les solutions "vertes" réclament davantage de conviction que de coercition. Le problème n'est pas de punir mais plutôt de se donner les moyens financiers de réussir la transition écologique.
La taxe carbone était un outil brutal et grossier, un "brouillon" de fiscalité environnementale. Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, je n'ai cessé de dénoncer ses faiblesses. Je ne peux donc que me réjouir de voir de nombreux écologistes changer d'avis et comprendre enfin que des politiques publics efficaces doivent s'appuyer sur des systèmes fiscaux plus subtils.
Par exemple, l'association nantaise CAORRE publie la réflexion approfondie d'un de ces membres, Jean-Yves Le Therizien. Celui-ci a réfléchi à un système de conversion écologique de la consommation, défendant l'extension d'un système de bonus-malus étendu à de nombreux secteurs (alimentation, services, logement, mobilité, ...) Je cite un extrait particulièrement pertinent de nos échanges:
"Prenons un cas concret: les produits contenant de l'huile de palme.... Si nous appliquons un malus, cela diminue leur achat et permet aux produits qui n'en contiennent pas d'être mieux achetés. La France importe 500 000 tonnes par an soit à 500 euros la tonne, 250 millions de déficit extérieur. D'où, si la fiscalité marche, une relocalisation de l'économie avec des produits de remplacement plus locaux ..."
Si cette réflexion mérite d'être approfondie (quelle lien entre bonus et malus? Comment faire pour que "la fiscalité marche"?), on voit que CAORRE a compris que la singularité de l'huile de palme nécessite une réponse ciblée. La taxe carbone, outil approximatif, n'aurait d'ailleurs pas permis de lutter efficacement contre les méfaits de l'huile de palme.
Mais la meilleure preuve d'une évolution de cette question auprès de la mouvance écologiste, provient de l'important collectif associatif, France Nature Environnement (FNE). Rassemblant 3000 associations, FNE tient son congrès annuel à Paris le 28 janvier. A cet occasion, le collectif dévoile un ensemble de mesures concrètes à destination des candidats à l'élection présidentielle.
Or, en bonne place dans ce programme, on trouve la passionnante proposition suivante: "un système paritaire de protection environnementale". Similaire au système paritaire de protection sociale, celui-ci regrouperait les différents organismes chargés de percevoir différentes contributions. Il s'agit donc de multiplier les éco-contributions de manière à financer les investissements verts. Aux actuels éco-emballage et écofolio, HNE propose d'ajouter des éco-organismes chargés du climat-énergie, des risques industriels, des matières premières, de la biodiversité, des biens manufacturés ...
La similitude entre ces propositions et le système de contributions incitatives que je défend pour ma part est frappante. FNE a la même démarche et on ne peut que saluer l'émergence de ces propositions, 100 jours avant la désignation du prochain président de la République. L'équipe de France Nature Environnement, autour de son président Bruno Genty, fait donc un travail remarquable pour proposer des idées novatrices au service de l'action publique.
Deux points sont particulièrement intéressants dans la démarche proposée :
-le parallèle avec le paritarisme social, la gouvernance partagée entre différents acteurs (les politiques mais aussi les syndicats, les entreprises et les associations de défense de l'environnement).
-la multiplication d'éco-contributions spécialisées.
Certes, le système d'éco-contributions proposé semble encore bien rustique (un article prochain reviendra sur cette question pour faire des propositions complémentaire). Mais la dynamique est là: le mouvement écologiste s'est emparé d'un outil de politique publique crucial -la fiscalité- et semble maintenant en mesure de faire des propositions innovantes en ce domaine.