Carla, Squarcini, Courroye: ces affaires qui gênent Sarkozy

Publié le 22 janvier 2012 par Juan
A l'Elysée, on s'inquiète des affaires. La justice est pourtant sous contrôle, la police est aux ordres. Mais quelques juges récalcitrants et quelques journalistes curieux, comme souvent, entretiennent un bruit de fonds très désagréable.
Ces derniers jours, Carla Bruni fut accusée de conflit d'intérêt; le patron de la DCRI d'espionnage politique, et un procureur ami du Président mis en examen.
Quelle époque !
Confusion
Carla Bruni s'est faite discrète. Sa réaction, voici 10 jours, aux révélations de Frédéric Martel dans les colonnes de l'hebdomadaire Marianne fut molle et peu commentée. L'auteur de l'enquête a même pu compléter depuis ses premiers chiffrages, et réitérer quelques questions. Mediapart a ajouté une pièce au dossier: le fond mondial contre le Sida a bien versé quelque 2,2 millions de dollars sans appel d'offre pour la campagne Born HIV Free lancée par la Fondation Carla Bruni-Sarkozy.
Julien Civange, ami et proche conseiller de Carla Bruni-Sarkozy à l'Elysée, a perçu 580.000 euros via sa société Mars Browser pour la conception de la campagne. Une autre société, La Fabrique du Net, a perçu 132.000 euros pour réaliser et animé un site Web. Un site qui se révèle être un vulgaire blog de 6 page édité sous Wordpress, comme l'explique Numerama.
Corruption
Mediapart a mis la main sur de fichues preuves, 86 millions d'euros détournés au profit de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. Il a fallu 18 ans d'enquêtes et une obstruction incroyable pour cette affaire sorte enfin de l'ombre.
« Les comptes secrets des ventes d’armes françaises au Pakistan et à l’Arabie saoudite, découverts ces derniers mois par les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, permettent désormais d’établir avec précision le montant des détournements opérés entre 1993 et 1995 sous le gouvernement Balladur, avec le feu vert des ministres de la défense et du budget, François Léotard et Nicolas Sarkozy – les deux ministres clés dans les marchés d’armement. »
Fichtre ! Rien que ça ! Le site d'informations affirme avoir consulté plusieurs documents comptables saisi par la Division nationale des investigations financières. Ces derniers permettent notamment d'identifier quelque 32 millions d’euros versés avant le 23 avril 1995, jour du premier tour de l’élection présidentielle. D'après Mediapart, sur les 4 contrats d'armements visés par les investigations des juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, l'essentiel de ces fonds occultes proviennent finalement du contrat Agosta.
Espionnage
Un livre d'enquête sort ces prochains jours sur un personnage central de Sarkofrance: Bernard Squarcini, directeur de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur. La DCRI a été créé en juillet 2008, par la fusion de la DST et des Renseignements Généraux. Depuis, les polémiques ont été nombreuses concernant la privatisation de l'espionnage intérieur au profit des intérêts de Nicolas Sarkozy. Bernard Squarcini lui-même a été mis en examen dans l'affaire des fadettes du Monde, l'année dernière.
L'ouvrage, « L’Espion du Président » (Robert Laffont), a été écrit par trois journalistes, Olivia Recasens et Christophe Labbé du Point et Didier Hassoux du Canard Enchaîné. Il contient son lot de révélations. Comme l'existence de deux équipes clandestines, baptisées R1 pour les « sonorisations », et R2 chargée de « casser » les ordinateurs. Ou de cette « sous-division R » qui opèrent depuis un site à Boullay-les-Troux des écoutes illégales.
Le site Mediapart, dès jeudi, publiait quelques extraits du bouquin le concernant. Mediapart espionné par l'Elysée ? Un agent de la DCRI témoigne: xx. En juillet 2010, en pleine affaire Woerth/Bettencourt, Claude Guéant avait récupéré de la DCRI une information qu'il jugeait capitale pour déstabiliser le site d'informations qui avait publié les écoutes clandestines du majordome de Liliane Bettencourt: « L’information diffusée est de fait précise : le principal actionnaire de Mediapart est un évadé fiscal belge, propriétaire d’un restaurant à Paris dans le VI arrondissement. » Cette information était fausse, expliqua Mediapart, une « calomnie de basse police ». Autre espionnage relaté, « Le site d’information Mediapart, qui était en pointe sur l’affaire Karachi, a fait l’objet en 2010 d’une enquête poussée du renseignement intérieur. »
Squarcini n'a pas apprécié. Il a annoncé qu'il portait plainte contre les 3 auteurs du bouquin.
Courroye
Un procureur, qui se revendique proche ami de Nicolas Sarkozy, a été mis en examen mardi 17 janvier. Philippe Courroye, procureur de Nanterre, décoré de la Légion d'honneur grâce à Nicolas Sarkozy, était au coeur des affaires Bettencourt et Woerth. Au cours de l'été 2010, il a ordonné l'espionnage de journalistes du Monde et de la juge Isabelle Prévost-Desprez, pour débusquer des fuites dans la procédure.
L'enquête déclenchée par une plainte du Monde en février 2011 a mis en lumière l'opération. Mardi 10 janvier, Daniel Jacquème, numéro 2 de l'IGS, a témoigné devant la juge Sylvie Zimmermann en charge de l'instruction comment Philippe Courroye lui a demandé d'enquêter sur les journalistes. Prudent, il a même consigné par écrit les requêtes du procureur et le résultat des investigations.
Philippe Courroye espère faire annuler sa mise en examen comme toute l'instruction de la juge Zimmermann. Il a même déposé une requête en ce sens jeudi 19 janvier. Il ressent sa mise en accusation comme une « profonde injustice personnelle », presque une anomalie ou un danger pour l'institution judiciaire elle même ! Serait-ce le monde à l'envers ? On croit rêver...