Ha ! Ha ! est un coup de gueule : dans cette pièce théâtrale, créée pour l'inauguration du centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, Maguy Marin entend dénoncer les rieurs faciles, ceux qui veulent rire de tout et s'ennuient des choses graves. De ceux-là, dit-elle, le rire tue. Ceux-là,
ce seraient vous et moi, tous ceux qui vivent dans une autosatisfaction ignorante et béate, une médiocrité confortable. Pour ma part, j'ai la faiblesse naïve de ne pas me reconnaître en eux. Je
confesse un certain confort matériel ; mais je n'ai jamais ri des malheureux, et j'ai un certain respect de la culture, que je tiens pour une nourriture et un moyen d'échange entre les hommes. Dès
lors, je ne me sens guère concerné par cette diatribe, à laquelle je ne peux du reste que souscrire : oui, rire des malheureux, des opprimés, des victimes, ce n'est pas drôle, et à la fin cela peut
leur porter tort ; certes !
Hélas, le discours de Maguy Marin recèle d'autre part une lourde ambiguïté ; car il laisse croire qu'elle fait aussi le procès du rire. Or, personne n'a mieux pourchassé le rire que les dictatures
et les églises. Le rire, en effet, n'est pas que l'expression de cette vacuité morale que Maguy Marin cloue au pilori ; c'est aussi un redoutable instrument de critique et de lucidité.
Le rire n'est pas qu'aux mains des puissants et des bien portants ; il appartient aussi aux petits et aux faibles. Je suis d'accord avec Maguy Marin que le propre du rire est d'agir par la
destruction ; mais il est des destructions salutaires. Je ne rougirai jamais de rire en compagnie de Rabelais ou de Molière, grands pourfendeurs d'ignorance, de faux-semblants et d'injustices.
Déception donc, devant ce brûlot maladroit.
♥♥♥♥♥♥ Ha ! Ha !, de Maguy Marin, est donné aux Abbesses du 4 au 6 mars
2008.