En tout cas, quand on est, spectateur, face à cette machine de guerre, notre premier réflexe est de s'écraser devant la carapace blindée du saxophone basse que dégaine Marc Maffiolo. Oh, oh, oh, calme... Qu'est-ce donc que cet engin? C'est que, avec Stabat Akish, on est aspiré dans une confrontation vitale avec un autre monde. Il y a, dans ce sextet tout droit sorti de Delicatessen, un mélange d'univers aussi étranges que délirants que ne renierait pas Tim Burton, son cortège de personnages inquiétants et ses fées. Stabat Akish, c'est avant tout un monde onirique et son refus de coller à la réalité. D'ailleurs... la réalité? Le rêve? Tout ça... Mmh... C'est pas un peu trop facile?
Faut dire que, pour les six musiciens, la facilité, c'est d'abord une injure. Dans le cas plus précis de cette formation, prenons "La baie des anchois". On part d'un thème léger, exposé par la flûte et le vibraphone, sur une phrase de basse lourde et obsédante. Et puis, tout ça s'emballe, se mélange, dans une sorte de crescendo où le grave ténor et la flûte se bousculent. Et voici que le thème, repris au clavier, vient clore ce morceau. En moins de trois minutes, ils nous lessivent dans une succession de cabrioles et, quand cette ivresse nous a fichus sens dessus dessous, on retombe, sans bien comprendre comment, sur nos deux jambes. Stabat Akish, c'est une expérience de l'ivresse.
On les avait suivis à Rio Loco où la formule s'était considérablement gonflée puisqu'on trouvait une quinzaine de musiciens supplémentaires. On avait, d'ailleurs, adoré cette formule et la liberté que Maxime Delporte en avait tirée. On avait souri quand Nancy Jazz Pulsation les avaient réintitulés "Stabat Akish Lorraine", hé, hé, hé... Et bien, hier soir, on en a repris, pimenté à souhait, et de celui qui arrache.
Gilles