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Afghanistan : conséquences d'un assassinat

Publié le 21 janvier 2012 par Egea

L'assassinat, par un soldat afghan, de quatre soldats (seize autres ont été blessés, dont huit gravement) amène tout d'abord à manifester notre solidarité et soutien à nos soldats et à présenter nos condoléances les plus vives aux familles des défunts. Ils sont morts en mission, au service de la France, et c'est d'abord ce qu'il faut souligner.

Afghanistan : conséquences d'un assassinat
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Après le temps de latence, pour se recueillir mais aussi pour méditer, cet acte mérite quelques commentaires. Je distingue deux lignes : une sur l'action psychologique, une sur la conduite opérationnelle.

1/ On lira tout d'abord trois billets intéressants :

  • celui de Florent de Saint-Victor qui dans son blog Marsattaque (cross publié sur AGS), examine quelques idées reçues.
  • celui de Romain Mielcark qui dans son blog Actudéfense rend compte de la suspension du soutien à l'armée afghane
  • enfin, celui de Jean Guisnel (N. Sarkozy dans le piège afhan) qui met en perspective les effectifs et interroge la décision politique.

2/ Dans tout conflit, les planificateurs tentent de déterminer le centre de gravité de l'ennemi (CDG). Mais une "cellule rouge" effectue le même travail pour les adversaires, de façon à déterminer son propre CDG. Très souvent, ces CDG consistent en "le soutien de la population au leader politique" : vrai aussi bien pour les bleus que pour les rouges. On retrouve, logiquement, deux des trois pôles de la remarquable trinité clausewitzienne.

3/ Le planificateur détermine également des lignes d'opérations : l'une d'elle est quasiment toujours celle de ce qu'on appelait autrefois la guerre psychologique, c'est-à-dire la volonté de façonner les esprits de l'autre.

4/ Dans le cas présent, il reste des doutes sur la motivation du tireur : on ne sait pas encore s'il s'agit d'une initiative isolée ou d'un plan manigancé par les talibans. Ceux-ci revendiquent ce matin l'attentat, quand hier ils parlaient de l'action "d'un consciencieux soldat afghan" : méfions nous de la récupération..... Les premiers retours suggèrent la première solution, sous réserve de confirmation. Il n'en reste pas moins que cela contribue à la propagande talibane, qui cherche à atteindre la détermination des Occidentaux.

5/ Or, on peut constater deux choses :

  • en ces temps surmédiatisés, l'émotion est le plus souvent fugace. Il est probable que dans l'opinion publique, le drame sera bientôt enseveli sous les vagues incessantes de l'actualité. Ce qui relativise, d’une manière générale ces opérations d'influence fondées sur des coups médiatiques.
  • mais un deuxième élément vient affecter ce cas général : il s'agit de la campagne électorale. C'est dans la perspective de cet événement que l'événement subit un coefficient multiplicateur, qui peut affecter la décision politique. Ainsi s'expliquent la décision de suspension des actions de soutien à l'ANA, ou les propositions d'accélération du retrait pour tel candidat, ou d'un retrait effectif fin 2012 pour tel autre.

Ce qui pose la question du rapport au temps d'une décision stratégique : souvent de long terme, elle peut parfois être brusquement modifiée.

6/ Un des derniers domaines où le politique peut vraiment "prendre des décisions" reste celui de l'engagement des forces armées. Chacun sent bien qu'en matière de politique économique, d'organisation de l’État, de coopération européenne, il y aura des nuances, mais pas de changement radical : les intrications sont aujourd'hui trop complexes pour envisager des changements radicaux. En matière opérationnelle en revanche, le pouvoir peut "décider" : un surge ou un retrait, une intervention aérienne ou une évacuation de ressortissants.

7/ La plupart du temps, ces décisions s'inscrivent dans la durée, et les dirigeants savent résister à une émotion collective. J'y reviendrai bientôt avec la fiche de lecture du livre que je lis en ce moment, (Introduction à l'histoire des relations internationales, de P. Renouvin et JB Duroselle, qui s'interroge notamment sur l'action de l'homme d’État). Constatons qu'en temps de campagne électorale, cette constance paraît plus difficile. C'est un constat, et non pas une critique.

8/ Toutefois, le principal effet, beaucoup moins médiatique, touche à l'action sur le terrain. En effet, depuis plusieurs mois la ligne stratégique de la FIAS consistait à parier sur l’afghanisation, et sur le transfert à une ANA en construction de pans successifs de responsabilité. Il fallait former cette ANA (opération Épidote) puis l'entraîner et l'amener à ces coopérations opérationnelles, de façon à la mettre progressivement en première ligne avant d'assurer le transfert. C'est d’ailleurs la longueur du processus qui justifie que l'OTAN annonce la date de 2014 pour le retrait.

9/ L'assassinat de vendredi ne va pas remettre en cause cette ligne directrice, mais certainement l'affecter : en effet, il y aura désormais forcément une certaine méfiance envers ces unités afghanes, ce qui ne concourt pas à l’efficacité opérationnelle d'ensemble. Autrement dit, il y a un ralentissement de l'action bleue. Conformément à la ligne talibane : pas d'action directe où elle est sûre de tomber, mais une action indirecte de freinage et de harcèlement.

Pour conclure :

  • tristesse et solidarité avec nos soldats
  • retenue et prudence quant aux commentaires sur l'action.

Quant à nos quatre tués : qu'ils reposent en paix.

O. Kempf


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