Qui se réjouit de la perte du Triple A ? Les mines restent sombres, à droite comme à gauche, devant l'état du pays.
On ne se réjouit pas de la perte du Triple A. Mais on s'est réjouit que Sarkozy ait perdu le sien. Le Monarque, dit-on, en est devenu fébrile. Samedi puis dimanche dernier, il a laissé ses proches réagir.
Courage... fuyons !
Lundi, il était à Madrid, pour recevoir une fameuse décoration des mains du Roi d'Espagne, la Toison d'Or. Cet autre monarque voulait ainsi le remercier de l'action conjointe contre l'ETA. Quelques minutes après, Sarkozy a quand même lâché ses nerfs contre un journaliste de Reuters qui osait lui demander une réaction sur la perte du Triple A: «
pouvez-vous me poser une autre question avec les dernières informations ?
» s'est-il énervé. Il pensait à Moody's, agence concurrente de la méchante Standard and Poor's. Elle avait décidé... de ne rien décider. Pour Sarkozy, c'était la preuve que la France n'était pas si dégradée. Et il était profondément agacé que personne ne relève l'évènement qui n'en était pas un: Moody's a confirmé plus tard qu'elle attendait encore un peu pour décider si elle dégraderait à son tour la note française.
Le lendemain matin, il a confié sa rage contre François Hollande, en coulisses bien sûr, à quelques ténors de son clan à l'Elysée: « Il est impossible qu'un homme qui se réjouit de la situation actuelle puisse
susciter la confiance ! On l'a vu s'exprimer les yeux brillants de
gourmandise ! »
Mardi, c'était au tour des agriculteurs et du monde rural de recevoir leurs voeux présidentiels. Sarkozy s'était déplacé à Pamiers, en Ariège. Officiellement, une populace en joie acclama le bon Monarque. En réalité, la police dut charger, bombes lacrymogènes à l'appui, contre 500 à 800 manifestants récalcitrants à quelques centaines de mètres du meeting. Le village avait été bouclé. Devant son assistance silencieuse et choisie, Nicolas Sarkozy eut d'inévitables mots durs contre l'écologie. Le Grenelle de l'environnement est bien loin. Il a suffit d'une mauvaise cote sondagière parmi les agriculteurs, traditionnellement à droite, et d'une catastrophe à Fukushima, pour que Nicolas Sarkozy envoie bouler ses promesses de développement durable. A Pamiers, le Monarque fustigea donc « l'aspect tatillon de certains règlements
administratifs », prenant l'exemple « des règles
environnementales, la question de l'eau, la protection de l'eau».
A Paris, son ministre de l'intérieur livrait le dernier bilan de la lutte contre la délinquance du Monarque. Il osa se féliciter d'une baisse de 0,34% du nombre d'actes de délinquance en 2011, soit 12.000 délits. Or l'Observatoire responsable de ces statistiques expliquait très clairement qu'il était incapable de « commenter » quelques 350.000 infractions financières car leurs règles d'enregistrement n'étaient pas fiables... Guéant cherchait des excuses. Pour les cambriolages, dont le nombre explose, ce serait la faute à des « équipes de malfaiteurs venus de l'étranger, notamment d'Europe Centrale et Orientale. ».
Pour justifier la nouvelle hausse des violences aux personnes, le ministre se réfugia derrière une fumeuse statistique par ailleurs non publiée, sur les « violences commises à l'intérieur du cercle familial » qui seraient désormais mieux comptabilisées. Depuis 2002, le nombre des violences contre les personnes a augmenté de 381.000
atteintes à 468.000 en 2011 !
Mercredi, Nicolas Sarkozy tenait son grand sommet social, annoncé lors de son second et raté discours de Toulon, le 1er décembre dernier. On attendait de grandes choses, des « mesures fortes et rapides » puisque « la crise n'attend pas ». Mais Sarkozy ne lâcha que des mesurettes d'intendance, qualifiées de « plan sans précédent »: 150 millions pour renforcer la formation des chômeurs, 100 millions pour l'extension des exonérations de charges pour l'embauche des jeunes dans les TPE, 40 millions pour recruter 1000 CDD à pôle emploi, etc. Au final, quelques 430 millions d'euros ont été débloqués « en urgence » qui seront pris sur d'autres budgets (sans qu'on sache lesquels).
Et les grandes décisions pré-vendues depuis des semaines ? Et bien, Sarkozy se contenta d'une liste à la Prévert de ce sur quoi il allait réfléchir d'ici la fin du mois: une réforme évidemment « radicale » de la formation professionnelle (confiée au sénateur Gérard Larcher, missionné pour étudier la chose), le financement de la protection sociale, la création d'une banque de l'industrie, des « mesures extrêmement puissantes » sur le logement, et le fameux projet de taxe sur les transactions financières. Au passage, il en oublia même de mentionner les fameux accord compétitivité/emploi... Même le relèvement de la TVA ne fut pas évoqué.
Etait-il fébrile ou inquiet ?
Ce sommet n'avait servi à rien. Même le Medef était déçu. Sarko-le-courageux s'était couché, effrayé par les polémiques. Au passage, il flingua d'une formule le bilan de sa ministre de l'Apprentissage: « Les chiffres ne sont pas bons. » Nadine Morano, habituellement si prompt à dégainer sa rage ou son enthousiasme sur Twitter, resta numériquement bien silencieuse.
Un peu plus tard, le conseiller Henri Guaino expliqua: «Sarkozy n'a jamais baissé les bras contre le chômage». S'il n'a jamais baissé les bras, il faut croire qu'il fut sacrément incompétent. Un million de chômeurs plus tard, le Monarque voulait nous faire croire qu'il avait de nouvelles idées. Une video buzza plus de 250.000 fois sur le Net: on y voyait le candidat Sarkozy de 2007 s'exclamer à la télévision qu'il faudrait le sanctionner si le chômage atteignait les 10% de la population active en 2012. Ce taux sera atteint le mois prochain. L'UNEDIC s'inquiète publiquement de son déficit, qui devrait se dégrader de 4 milliards d'euros en 2012. Standard and Poor's vient justement de lui retirer son Triple A. Jeudi, l'organisme d'indemnisation chômage a dégradé ses prévisions de chômage. Il anticipe quelque 3 millions de chômeurs sans aucune activité (la fameuse catégorie A).
Une véritable catastrophe.
Le jour-même, ce micro-sommet sarkozyen était entaché d'une autre polémique, plus grave: les bonnes feuilles d'un ouvrage d'enquête sur Bernard Squarcini, le directeur de la DCRI, étaient publiées par le Point. Trois journalistes accusaient le « Squale », témoignages à l'appui, d'avoir installé un espionnage politique, pour l'essentiel au bénéfice de Nicolas Sarkozy. L'homme a porté plainte pour diffamation. Une polémique n'arrive jamais seule en Sarkofrance: Philippe Courroye, ce procureur si proche et décoré d'une Légion d'honneur par Nicolas Sarkozy a été mis en examen par la juge Sylvie Zimmermann, cette semaine. Le numéro 2 de l'IGS avait révélé comment ce procureur avait commandité l'espionnage méthodique de deux journalistes du Monde en 2010. Sans rire ni gêne, Courroye expliqua que son inculpation représentait un danger pour la justice... Il a déposé une requête en annulation.
Jeudi, Sarkozy est allé à Lyon, délivrer ses voeux aux forces économiques. N'y voyez bien sûr aucune démarche politique. A chacun de ces déplacements, Nicolas Sarkozy enfile son habit de candidat, et prend un malin plaisir à critiquer l'opposition. Ses communicants ont choisi l'agence Web qui s'occupera de la campagne sur internet. Le slogan un moment choisi a été rapidement recalé. Il était déjà pris. Mais le candidat veut rester optimiste, persuadé que « tout ce que disent les socialistes est pulvérisé par la
situation actuelle ! » Qu'importent les sondages, inquiétants, qui montre que sa cote déjà basse s'affaisse toujours au profit de Marine Le Pen.
A Lyon, Sarkozy ressassa de vieux arguments. On a cru qu'il avait perdu les pédales. Il s'agaça encore publiquement mais toujours sans le nommer, de la réaction de François Hollande sur la perte du Triple A. Lui, l'homme de Gandrange, fustigea les renoncements de Lionel Jospin face à la fermeture de l'usine Renault à Vilvoorde en 2001. A quelques dizaines des kilomètres de là, la dernière usine du fabricant Lejaby, vendu à un fond de pension italien, fermait ses portes. François Fillon osa louer l'action de son gouvernement contre la fermeture des usines.
Ces gens-là osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnaît.
Vendredi, on apprenait la mort de 4 de nos soldats en Afghanistan. Le bourbier devient français. Nicolas Sarkozy a laissé entendre qu'il pourrait anticiper le retrait des troupes françaises. Contraint et forcé. C'est lui qui a décidé de renforcer le contingent français depuis 2007, une erreur historique payée au prix de la vie d'une soixantaine de soldats.
Samedi, le Monarque s'est envolé pour la Guyane, en campagne dans son Airbus présidentiel.
On s'est rappelé que cet Airbus avait coûté deux fois que l'effort « sans précédent » décidé mercredi pour la formation des chômeurs de longue durée.
Ami sarkozyste, où es-tu ?