J’avais réagi avec humeur : encore Molière, encore le Bourgeois Gentilhomme … comme s’il n’y avait que cela à monter. Et j’avoue y être allée pour voir Marcel Maréchal plus que pour le texte. Quelle belle surprise. Ce n’est pas un Bourgeois comme les autres.
Le décor de Thierry Good est simple. Mais on aurait tort encore une fois de se fier à l’apparence. Les murs portent le chiffre du propriétaire ainsi que la toile qui recouvre son fauteuil. Le J de Jourdain est net.
Les costumes de Bruno Fatalot sont somptueux. Mais pas seulement. La robe de chambre de Monsieur Jourdain est rembourrée au niveau des hanches. Elle bat les mollets. Conçue dans un tissu bleu nuit parsemé de broderies de plumes de paon qui brillent comme des étoiles elle fait penser au costume d’un clown.
Étymologiquement le clown est un rustre, un balourd … comme l’est notre bourgeois comparativement aux courtisans de la cour royale. Il ne s’agit pas de l’Auguste au nez rouge et aux chaussures trop grandes, mais plutôt d’une sorte de clown blanc, à l’instar de celui qui se tient toujours au bord de la piste et qui annonce les numéros.
C’est que tout bien considéré le théâtre de Molière est un vrai cirque. Maitres à danser, d’armes, de philosophie, de musique exécutent leur scène comme des artistes circassiens. Monsieur Jourdain est tour à tour debout tel Monsieur Loyal surveillant le déroulement des exhibitions et assis sur son fauteuil comme s’il en était (aussi) le spectateur. Il faut alors le voir sourire aux anges comme un enfant.
La soubrette en talons hauts (Flore Grimaud) danse avec plus de modernisme que Lully. La fille de monsieur Jourdain, Lucile (Laetitia Godès) porte une robe de petite fille modèle. Dorante (Michel Demiautte) semble avoir été habillé par Karl Lagerfeld et Madame Jourdain (formidable Agnès Host) n’est pas engoncée dans une tenue entravante. Elle évolue avec énergie, tenant un discours qu’on découvre féministe : ce sont mes droits que je défends et j’aurai pour moi toutes les femmes.
Je croyais connaitre la pièce et n'avoir rien à découvrir. Quelle surprise donc d’entendre du nouveau dans un texte dont on connaît par cœur des tirades entières. Quel bonheur d’assister à un spectacle aussi plaisant. Quel régal de les voir tous vivre le théâtre en dégageant tant de joie de vivre. Je sais qu’il y a en ce moment l’embarras du choix en matière de Bourgeois gentilhomme. Je n’ai pas vu celui de Catherine Hiégel mais celui –ci est de nature à combler tous les publics. Vous pouvez sans crainte d’ennui entrainer votre progéniture comme vos ascendants à voir celui-ci. Chacun y trouvera son compte.
Le Bourgeois gentilhomme de Molière, du 10 janvier au 25 février 2012
Théâtre 14 Jean-Marie Serreau, 20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris
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Mise en scène Marcel Maréchal
collaboration artistique Michel Demiautte
dramaturgie François Bourgeat
musique François Fayt
décor Thierry Good
costumes Bruno Fatalot
lumières Jean-Luc Chanonat
Chorégraphie Patricia Delon
assistant à la mise en scène Antony Cochin
Avec Marcel Maréchal, Jacques Angéniol, Bertrand Sinan, Antony Cochin, Michel Demiautte, Philippe Escande, Flore Grimaud, Liana Fulga, Laetitia Godès, Agnès Host, Antou Prégnan-Martinez, Henry Valette.
© photo Lot sauf mention A bride abattue