C’est un hommage posthume bien mérité. James Tobin (prix Nobel d’économie 1981) proposait en 1972 une taxe inédite qui concernerait les transactions financières. Quelques 10 années après sa mort, en plein cœur de la crise financière européenne, la question de l’adoption de la Taxe Tobin fait couler plus d’encre que son auteur n’en a jamais versé, aussi prolifique que fut son œuvre.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont accordés ce 9 Janvier sur le principe d’une taxe financière, dont les conditions exactes n’ont pas encore été établies. Le président français, qui fait de cette taxe son cheval de bataille, souhaite voir ses modalités arrêtées d’ici la fin du mois de Janvier. Il est pourtant bien le seul.
Déclaré hors-jeu par avance depuis qu’il a décidé de se retirer des négociations de sauvetage de l’euro, le Royaume-Uni est fortement opposé à l’établissement de cette taxe. Excepté l’Allemagne, les autre pays européens sont également plutôt refroidis. Au sein même de la France, les critiques fusent : la place financière de Paris s’indigne face à ce qu’elle considère comme « un ralentissement forcé de l’économie française, et Laurence Parisot, la présidente du Medef, soutient que « nous serions tous perdants ». Du point de vue économique, si la viabilité de cette taxe d’une hauteur d’environ 0,01% sur les transactions financières est soutenue par certains grands économistes (Joseph Stiglitz ou Lawrence Summers), elle est très loin de faire l’unanimité. Dominique Strauss-Kahn a affirmé que « les transactions financières étant très difficiles à mesurer, une telle taxe serait très facile à contourner ». D’autant plus facile que peu de pays sont finalement prêts à l’adopter. Les places financières étrangères en étant exemptes, l’économie française serait finalement la seule pénalisée.
Aberration économique ou cheval de bataille de campagne présidentielle ? Sans doute les deux. Quoi qu’il en soit, la Taxe Tobin aura du mal à se frayer un chemin dans l’océan houleux du monde de la finance.
Simon Bigot