Santé : ne mangez pas les poissons d'eau douce

Par Bioaddict @bioaddict

Parce que les poissons d'eau douce sont toujours contaminés par les PCB, l'Agence nationale de sécurité alimentaire (ANSES) vient de recommander de ne les consommer qu'une fois tous les deux mois chez les femmes qui veulent avoir un enfant, les femmes enceintes, les enfants de moins de trois ans, les fillettes et les adolescentes. Mais ne vaut-il pas mieux ne pas en consommer du tout ?  

Les PCB (polychlorobiphényles) sont interdits depuis plus de 20 ans en France et dans de nombreux pays. Mais ils persistent encore largement dans l'environnement (voir l'affaire Aprochim). Les principaux effets toxiques de ces substances chimiques de synthèse mis en évidence sont des effets sur le développement mental et moteur chez le jeune enfant exposé pendant la grossesse ou l'allaitement.

En France, comme dans plusieurs pays européens, des dépassements de ces teneurs dans les poissons d'eau douce ont été observés dans la plupart des cours d'eau. Depuis 2006, des restrictions de pêche et des recommandations de non consommation des espèces de poissons les plus accumulatrices de PCB (anguille, barbeau, brème, carpe, silure) ont ainsi été prises. Et aujourd'hui, 20 ans après l'interdiction de ces substances, qu'en est-il ? Les poissons sont-ils toujours contaminés. Les pêcheurs continuent-ils à les consommer et avec quelle fréquence ?

Une étude de trois ans

L'Anses vient de publier les résultats d'une étude lancée en 2008 après des pêcheurs et des membres de leur famille. Et cette étude vient de montrer qu'il fallait continuer à se montrer très prudent sur la consommation des poissons d'eau douce.

L'objectif principal de l'étude de l'Anses était d'identifier les sources de l'imprégnation sanguine aux PCB, de rechercher l'existence d'un lien éventuel entre la consommation de poissons d'eau douce fortement bio-accumulateurs et l'imprégnation, et de définir les fréquences acceptables de consommation de ces poissons, c'est-à-dire sans risque pour l'homme sur le long terme.

Au total, 606 pêcheurs amateurs ou membres de leur foyer et 16 pêcheurs professionnels ont été inclus dans l'étude. Pour chaque participant, les habitudes alimentaires, ainsi que les pratiques de pêche et de consommation des poissons d'eau douce ont été recueillies. En parallèle, un prélèvement sanguin a été réalisé afin de déterminer le niveau d'imprégnation aux PCB.

Les pêcheurs restent prudents

Il ressort de ce travail que le niveau de consommation de poissons d'eau douce est faible (en moyenne 1 fois/mois chez les pêcheurs amateurs), en particulier pour les poissons fortement bio-accumulateurs de PCB (environ 2,5 fois/an). Seuls 13% des pêcheurs amateurs de l'étude consomment des poissons fortement bio-accumulateurs plus de deux fois par an.
Les niveaux d'imprégnations aux PCB observés chez les participants à l'étude sont donc faibles et similaires à ceux observés dans la population générale.
Mais l'étude a aussi mis en évidence que la consommation des poissons fortement bio-accumulateurs était associée à une augmentation de l'imprégnation aux PCB.

En manger ou pas ?

Au regard de cette nouvelle étude l'Anses recommande donc de limiter les consommations de poissons d'eau douce fortement bio-accumulateurs (anguille, barbeau, brème, carpe, silure) :
-à 1 fois tous les 2 mois pour les femmes en âge de procréer, enceintes ou allaitantes ainsi que les enfants de moins de 3 ans, les fillettes et les adolescentes,

-à 2 fois par mois pour le reste de la population.

Mais attention, ces recommandations ne sont pas applicables aux zones de très forte contamination pour lesquelles des évaluations de risques spécifiques ont été réalisées par l'Agence depuis 2008. Elles ne remettent donc pas en cause les recommandations locales de non consommation.
Mais plutôt que d'essayer de tenir un calendrier précis de la consommation, et de chercher à savoir si on est dans une zone fortement contaminée ou non, à partir du moment ou la pollution des poissons d'eau douce par les PCB, (et par beaucoup d'autres produits chimiques dont les pesticides et les métaux lourds) persiste, et étant donné les risques de ces produits pour la santé, y compris à faibles doses - car n'oublions pas les effets cocktails - ne vaut-il pas mieux ne pas consommer ces poissons du tout ?

Hervé de Malières