Le site de partage de fichiers sur Internet, Megaupload, 13e site le plus visité au monde, a donc été fermé par le FBI, 7 personnes employées risquent jusqu’à 60 ans de prison, 20 mandats ont été délivrés.
Ce site (il en existe de nombreux similaires, déjà largement utilisés) est basé à Hong-Kong mais possède également des serveurs aux États-Unis et dans d’autres États. On se prend à rêver d’une telle efficacité de collaboration judiciaire (surprenante et qui questionne) entre pays pour des motifs autrement plus graves…
Rappelons que Megaupload (dont les créateurs ne sont visiblement pas exempts de critiques) permettait à un internaute de mettre en ligne n’importe quel type de fichier dans la limite de 1 Go. Certains fichiers étaient des copies de films (qui pouvaient donc se diffuser massivement), mais cela n’était théoriquement pas de la responsabilité de Megaupload qui n’était qu’un hébergeur.
Néanmoins, ce site pourrait avoir marchandé des biens (fichiers vidéos/films en particulier) qui ne lui appartenaient pas, ce qui est évidemment condamnable en droit. Mais comme le rappelle La Quadrature du Net, si « les énormes profits engrangés par Megaupload grâce à une centralisation des œuvres soumises au droit d’auteur sont difficilement défendables », on constate, et c’est riche en enseignements, qu’après « avoir promu une législation qui a encouragé le développement des sites centralisés, les lobbies du copyright leur déclarent aujourd’hui la guerre ».
Hasard du calendrier, tout cela se fait dans le contexte de l’examen au Congrès américain de la loi SOPA (Stop Online Piracy Act), considérée par de très nombreuses associations et internautes comme liberticide et dangereuse pour l’Internet libre. Cette loi va encore plus loin que le dispositif Hadopi et la Maison Blanche a d’ailleurs transmis uncommuniqué très critique à son égard :
« Même si nous pensons que le piratage depuis des sites étrangers est un problème sérieux qui appelle une réponse législative sérieuse, nous ne soutiendrons pas une législation qui réduit la liberté d’expression, amplifie les risques dans le domaine de la cyber-sécurité ou sape un Internet dynamique et innovant. »
Pour s’opposer à ce texte législatif, de très nombreux sites, parmi les plus visités au monde, ont fait un impressionnant « black out » le 18 janvier dernier. Ainsi, volontairement, certains plateformes de blogs ne fonctionnaient plus, Google était en noir en signe de deuil, Wikipedia en anglais, un des 10 sites les plus visités au monde, était totalement fermé avec pour seul titre accessible : « Imagine a World Without Free Knowledge ».
Hier, la réaction (prévisible) à la fermeture de Megaupload a été immédiate : des internautes du célèbre collectif Anonymous ont bloqué l’accès à des sites phares comme justice.gov, fbi.gov, hadopi.fr ou encore universalmusic.com (puisque ces mesures de rétorsions sont considérés en partie comme la conséquence du lobbying de l’industrie musical et du film).
Aujourd’hui, le site Numerama écrivait : « Le droit d’auteur ne peut être respecté par l’oppression et la contrainte. Il doit l’être par l’acceptation. C’est tout l’enjeu des années qui viennent. Depuis 10 ans chaque « victoire » contre le piratage n’a fait que générer du piratage plus efficace encore. Rien ne dit ce soir que Megaupload fera exception. Nous faisons même le pari du contraire. »
Ce matin, Nicolas Sarkozy s’est félicité de la fermeture de Megauploadpar voie de communiqué. Il est pourtant très rare qu’un chef d’État applaudisse une opération de police d’un autre État et se réjouisse d’une affaire judiciaire étrangère. Comme le rappellent Numerama et Frédéric Martel sur son blog, on note que, dans ce communiqué, le président français ne respecte pas la présomption d’innocence (à l’inverse du communiqués des autorités américaines) et commet une erreur notable de qualification juridique : en France, la contrefaçon n’est pas un crime mais un délit. Surtout, Nicolas Sarkozy en profite pour appeler à renforcer l’Hadopi pourtant largement considéré comme un échec.
À l’inverse, hier à Nantes, François Hollande a appelé avec raison à la suppression de la loi Hadopi et à son remplacement par un texte équilibré maintenant des possibilités d’accès à la culture sur Internet et respectant les auteurs / créateurs et leurs droits.
Jean-Louis Bianco & Nicolas Cadène