Hier, le chef du gouvernement Abdelillah BENKIRANE a connu son baptême du feu gouvernemental.
La bataille s’annonçait facile mais elle ne se déroula pas tout à fait comme l’avait prévu le leader PJDiste.
Parler depuis la tribune du “congrès” (le terme et la notion n’existe pas en droit constitutionnel marocain, mais quand les deux chambres sont réunies c’est le terme consacré en France) est assez délicat, surtout que une grande partie del’auditoire n’est là que pour la forme : les conseillers écoutent mais ne voteront pas l’investiture du gouvernement Benkirane.
On a vu ainsi des élus bâiller et d’autres ne pas avoir l’air de trop s’intéresser au discours du chef du gouvernement.
Parler devant les représentants du peuple parmi lesquels la représentation féminine a doublé depuis le dernier scrutin est encore plus délicat quand le gouvernement qui demande l’investiture ne comprend qu’une seule femme, connue pour ses prises de position pour le moins rigides.
On a vu ainsi les femmes élues de la nation brandir des pancartes portant la mention “30 + 1 ! Est-ce cela la démocratie?” sous les applaudissements nourris de leurs collègues masculins. Ce moment restera surement gravé dans les annales de la politique nationale :
http://www.youtube.com/watch?v=71A8NDQnKY8&feature=player_embedded#!
On a aussi entendu des rires et des murmures sous la coupole quand Monsieur Benkirane a abordé le problème de la femme.
On ne sait si le bruit de la manifestation orchestrée par les organisations féminines contre la sous-représentation de femme dans ce gouvernement arrivaient aux oreilles de M. Benkirane.
Parler pendant près d’une heure et demi, en lisant au mot près un texte qu’il n’a bien sûr pas rédigé lui-même fut pour le nouveau chef de gouvernement un exercice difficile : il est habitué à l’improvisation où il excelle en tant que tribun aguerri des meetings et de l’opposition.
On a pu ainsi entendre Monsieur Benkirane buter à plusieurs reprises sur des mots et sur des formules, mais il a su parfois prendre les accents pédagogiques de l’ancien professeur qu’il fut jadis.
Voilà pour ce qui est de la forme et de l’ambiance de ce baptême de feu gouvernemental. La suite de la bataille sera rude et peut-être violente.
Les partis de l’opposition ne pardonneront rien au chef du gouvernement, notamment le manque de chiffres précis, le manque de visibilité dans certaines propositions, et comble de l’hypocrisie politique la continuité dans l’action déjà entreprise par eux-même quand ils étaient au pouvoir il y a à peine deux mois.
Et au fait, quel est le contenu de la déclaration du chef du gouvernement?
Elle ne diffère pas en gros des déclarations des derniers gouvernements : elle n’est n’est plus précise ni moins précise, ni plus chiffrée ni moins chiffrée que celle de son prédécesseur Abbas Fassi en 2007!
Les réactions hostiles qu’elle a provoquées parmi les ténors de l’opposition ne diffèrent guère de celles suscitées par la déclaration de Driss Jettou en 2002.
Pas la peine de remonter à la déclaration de Abderrahim Yousfi en 1998 : la plupart de grands ministères échappaient à son autorité à l’époque et il connaissait parfaitement les limites du rôle qu’il avait accepté de jouer.
Que faut-il retenir de cette déclaration, malgré ses insuffisances et ses lacunes.
Pour ma part, je n’ai pas compris que le chef du gouvernement mette en numéro un des priorités de son gouvernement l’identité nationale.
Ce n’est pas à un chef de gouvernement, même démocratiquement élu, à me dire comment être marocain et comment me comporter en tant que citoyen : à ce petit jeu-là, il finira par me dire comment je dois penser.
Mon appréhension à ce sujet est très grande ; elle a motivé les réserves que j’ai topujours exprimées à l’égard du Parti de la Justice et du Développement. Ce sera donc aux forces démocratiques de ce pays de veiller au grain pour éviter les dérapages éventuels.
Pour le reste, la déclaration de Monsieur Benkirane demeure une “déclaration” et les critiques qui lui sont faites relèvent du jeu politique normal.
Ce sera face à la réalité que les marocain(e)s devront juger cette nouvelle équipe gouvernementale, face aux contingences de la crise endogène et exogène, face à sa réactivité aux demandes immédiates, face à la mise en place de sytèmes de gouvernance qui ne couteront pas un ddirham à l’état mais qui ramméneront la confiance des citoyen/nes dans les institutions!
Bon courage, Monsieur Benkirane! Votre tâche sera difficile et délicate! Les attentes du peuple sont grandes et variées! La crise est rampante et menaçante, parce que universelle.