Au terme de ces négociations elle est revenue sur sa décision de fermer le site de Nyon-Prangins [voir mon article Novartis: est-ce aux politiciens ou aux patrons de diriger les entreprises? ].
Tout le monde est content : les employés - ce qui est compréhensible - les diverses autorités publiques et l'opinion. Qui ne pourrait se réjouir que la plus grande partie des 320 emplois de ce site ait été sauvée ?
C'est ce qu'on voit.
Ce qu'on ne voit pas, et qu'on ne verra jamais, c'est à quel prix ce sauvetage aura été opéré.
Le communiqué publié il y a deux jours par la firme de Bâle lève un coin du voile ici :
"Les solutions visant à assurer une rentabilité durable du site de Nyon/Prangins prévoient notamment la réduction des coûts fixes et un allègement des impôts cantonaux sur une période limitée. En outre, les collaborateurs apporteront eux aussi une contribution importante. L'ensemble du personnel renoncera à une partie de l'augmentation salariale prévue pour 2012 et les collaborateurs soumis à la convention collective de travail qui effectuent actuellement 37,5 heures par semaine acceptent de passer à un temps de travail de 40 heures par semaine. Enfin, Novartis consentira une contribution financière substantielle. La société prévoit d'investir dans la modernisation de l'usine de production et de demander l'homologation de celle-ci par les autorités de santé américaines (FDA). La décision de conserver le site de Nyon/Prangins n'aura aucune répercussion négative sur d'autres sites Novartis."
A première vue tous les partenaires vont faire un effort.
- Les autorités cantonales vont alléger les impôts de l'établissement sur une période limitée.
- Les coûts fixes vont être réduits (par des licenciements dans le personnel administratif ?).
- Les coûts horaires vont être diminués par une moindre augmentation des salaires en 2012 et par une augmentation de la durée du travail.
- L'entreprise va investir substantiellement pour augmenter la rentabilité du site.
A ces mesures de redressement il convient d'ajouter - ce dont le communiqué de Novartis ne parle pas - la possibilité donnée au groupe pharmaceutique de "valoriser ses terrains" ici [d'où provient la photo du syndic de Nyon, Daniel Rossellat] :
"Une partie de ses neuf hectares qui n’étaient pas utilisés sera réaffectée en zone mixte pouvant accueillir des logements et des services."
Autant il n'y a rien à dire sur les mesures que les partenaires sociaux ont convenu de prendre pour que le site redevienne viable et soit maintenu, autant il est légitime de remettre en cause l'intervention de l'Etat.
Sans la menace de disparition du site industriel, il est certain que les autorités locales auraient rechigné à accepter le changement d'affectation des terrains appartenant à Novartis. Rien à dire, sinon que c'est tout de même un passe-droit, qui n'est pas consenti à n'importe qui.
Sans même connaître le montant des allègements fiscaux promis par le Conseil d'Etat vaudois, qui se réfugie derrière le secret fiscal pour ne pas le révéler aux contribuables, on peut dire que ce sont ces derniers, résidant dans le Canton de Vaud, qui vont mettre la main au porte-monnaie pour maintenir ces emplois.
On peut se demander pourquoi les contribuables vaudois doivent participer à ce sauvetage, sans qu'on ne leur demande d'ailleurs leur avis. Qu'est-ce qui justifie un tel privilège accordé à une entreprise et non pas à d'autres tout aussi méritantes ? Sans doute le fait qu'il s'agit d'une multinationale dont les arguments sont frappants quand il s'agit de discuter, de se faire entendre et d'obtenir.
Avec ce dénouement qui fait apparemment plaisir à tout le monde, surtout aux politiques qui peuvent se donner le beau rôle, au détriment dilué des contribuables, on ne saura jamais combien d'emplois auront été détruits pour sauver ceux de Novartis ...
Francis Richard