Paris Le New Morning.
Mercredi 18 janvier 2012. 20h30.
Thierry Péala: voix, chant, scat en français, anglais, italien
Bruno Angelini: piano, compositions
Francesco Bearzatti: clarinette, saxophone ténor, compositions
La photographie de Bruno Angelini est l'oeuvre du Profond Juan Carlos HERNANDEZ.
Concert consacré à l’album « Move is », ballade musicale inspirée par le cinématographe.
Francesco prend sa clarinette. Bruno se lance en douceur sur le piano. La magie commence. Une chanson chantée comme seul sait les chanter Thierry Péala. Cela baigne dans la douceur et l’étrangeté. Bruno fournit la trame, Francesco les ornements et Thierry le fil conducteur. La musique vole délicieusement. Francesco fait des percussions sur sa clarinette alors que Thierry chante, scatte en prolongement des lignes du piano. Après quelques dérivations, la rivière de la musique reprend son cours, tranquille et puissant. Le New Morning est rempli. Tant mieux. Ils le méritent. Le public écoute attentivement. Cette musique dense impose le silence. C’était un morceau inspiré du film « Mortelle randonnée » de Claude Miller.
Suivent deux compositions inspirées par le cinéma italien. « Il fanfarone » d’après « Le fanfaron » de Dino Risi (« Il sorpasso » in italiano) puis « Umberto D » d’après le film éponyme de Vittorio de Sica.
Le fanfaron raconte une virée entre hommes, en voiture, avec Vittorio Gassman dans le rôle du fanfaron et Jean Louis Trintignant dans le rôle du jeune homme timide qui le suit jusqu’au bout de la vie. La musique se lance comme une Alfa Romeo ou une Lancia dans les virages. C’est Rome, l’Italie, l’été, la joie de vivre. Francesco, à la clarinette, brille. Le piano vrombit comme un moteur de belle italienne. La musique est comme le film, à la fois joyeuse et aigre. Une joie pure se termine par une chute brutale, comme celle de la voiture dans le ravin.
« Umberto D ». Francesco reste à la clarinette. Un vieil homme vit seul avec son chien. C’est le thème du film. C’est ce qu’évoque précisément la musique passant de la vivacité du chien au calme du vieil homme. C’est nostalgique à souhait comme un vieil homme solitaire.
« No spring for Marnie », hommage à Alfred Hitcock. Francesco passe au saxophone ténor. Solo de sax pour commencer grave, chaud, sinueux, langoureux, bref tout ce qu’il faut. La mélodie arrive, dansante, chantante. Ca sautille doucement, ça danse. Duo voix/sax ténor. Ca swingue sans rythmique. Ces gars là savent y faire. Le piano arrive amenant sa nappe grave. Solo de piano qui tourne autour de la mélodie. Puis le trio. Ca porte et transporte. Ca marche. Je chantonne avec eux alors que mon voisin de derrière tape du pied.
Hommage à Jean Seberg dans « A bout de souffle », un film de Jean Luc Godard, musique de Martial Solal, le film qui lança Jean-Paul Belmondo en 1959. Duo piano/chant. Une ballade triste. Il est vrai que le film n’est pas gai. Ca accélère. Ca nous enveloppe dans une douce inquiétude. Duo passionné entre piano et saxo. Ca se calme. On entend les voix de Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo tirées du film. Bruno improvise au piano sur ces voix. Les derniers mots du film dits par Jean Seberg : « Qu’est ce que c’est dégueulasse ? » et le trio repart jusqu’au final.
« Gena » hommage à Gena Rowlands, actrice et épouse du cinéaste John Cassavetes pour son rôle dans « Gloria » de son mari. En 1959, la même année qu’A bout de souffle, John Cassavetes tournait « Shadows », autre film libre tourné en improvisant, caméra sur l’épaule, avec la musique de Charles Mingus. Solo de piano grave, impétueux en intro. Le piano plie mais ne rompt pas sous les assauts de Bruno Angelini. En tout cas, il est passé à la moulinette. Ce n’est pas mon style mais le public apprécie vivement. Le film raconte une course poursuite, la musique aussi. Francesco court avec Thierry et Bruno. Après un duo enflammé piano/saxo, retour au calme en trio. Puis ils repartent à l’attaque. Francesco fait cliqueter les clefs de son saxophone. Thierry et Bruno sont partis très vite, très loin.
PAUSE
Hommage à David Lynch, « Mulholland Drive », film entre rêve et cauchemar. David Lynch est un adepte de la méditation transcendentale. Ca s’entend. Cette musique nous offre de quoi méditer et nous transcender sans mage ni gourou. Francesco reste au sax ténor. Quelques notes sur les cordes du piano pour ajouter du mystère. Ca plane pour nous.
« Claude’s daughter » hommage de Bruno Angelini à Claude Debussy qui écrivit, pour sa fille Chouchou, Children’s corner. Sérieux puis drôle. Il y a des échos de Children’s corner dans cette musique, la joie, la vivacité, les facéties et la beauté bien sûr. Que du bonheur ! Francesco est toujours chaud au sax ténor. Que de bonnes vibrations entre la scène et la salle !
Hommage à Romy Schneider dans « L’important c’est d’aimer » d’Andrezj Zulawski. Francesco a repris la clarinette pour une chanson douce, tendre, triste mais sans larmoiements. Les trois fusionnent comme la Sainte Trinité ou l’huile trois en un selon que vous êtes chrétiens ou non, lectrices distinguées, lecteurs raffinés. Par ailleurs, je ne vous raconte pas les facéties de Thierry Péala sur scène. Allez à ses concerts pour en profiter, sacrebleu !
En voici une nouvelle, une dispute musicale entre le chanteur et le saxophoniste. Ca tonne, sonne, grogne, résonne. Le pianiste vient y mettre son grain de folie lui aussi. Ca démarre sur « Guardie e ladri » hommage à Mario Monicelli. Francesco se multiplie sur son sax ténor, entre tendresse, chaleur, humour. Ca joue ! Un morceau gai qui suit un morceau triste, c’est un bon changement d’ambiance.
« Una giornata particolare » d’Ettore Scola. Pendant que Napoloni et Hynkel (comme disait Charlie Chaplin dans « Le Dictateur ») paradent dans les rues de Rome, un homosexuel solitaire joué par Marcello Mastroianni et une mère de famille délaissée jouée par Sophia Loren se rencontrent dans un instant de paix, de grâce qui n’appartient qu’à eux et qui sera bientôt brisé. Cette chanson est en anglais malgré son thème. Ballade piano/voix. Le solo de sax ténor s’élève. Francesco Bearzatti est certainement bien plus intéressant à écouter que des saxophonistes plus célèbres et mieux payés comme Joshua Redman et James Carter. Fin surprise. Un blanc, le public comprend puis applaudit.
« Do the right thing » (a Spike Lee joint). De Rome à New York. Cela s’appelle ici “ Do it right “. Thierry démarre seul en scat, très funky. Francesco tape des mains, le public reprend. Francesco siffle en rythme. Quelques notes de piano. Sans basse ni batterie, tout cela est Superfunkycalifragisexy. Bonnes vibrations entre la scène et la salle. C’est la fête. Le public réputé difficile, exigeant du New Morning est conquis.
RAPPEL
Concert diffusé en direct sur TSF pour ceux qui ne pouvaient y assister.
« Into the wild ». C’est l’histoire d’un mec, jeune, qui part seul à l’aventure vers le Grand Nord. Il meurt seul comprenant que, pour être heureux, il faut partager. Chanson en français malgré le thème. Une belle ballade nostalgique piano/voix. Le sax ténor arrive chaud, par vagues. Cela finit en paroxysme sonore.
Cela fait des années que je suis le trio de Thierry Péala, que je le vois grandir, mûrir. Enfin, ils jouent dans une grande salle, bénéficient d’un solide appui médiatique. Parmi tant de fausses valeurs, cela détonne et me fait grand plaisir. Faites vous plaisir aussi, écoutez les, lectrices exigeantes, lecteurs sélectifs.
Pour vous donner une idée de ce groupe sur scène, le voici au Duc des Lombards il y a bientôt deux ans dans un précédent concert de ce programme. Depuis, c'est bien mieux encore.