« Je crois que je commence à comprendre un aspect de la création qui jusqu’ici m’avait échappé. La création n’a pas de fin, en ce sens qu’elle n’est jamais terminée. L’œuvre qui procurerait la paix, qui donnerait l’impression qu’on a enfin atteint l’objet recherché, n’existe pas. L’angoisse de ce qui manque revient dès qu’on a terminé l’œuvre qui manquait.
La création, c’est le déséquilibre ; ou plutôt, c’est l’action pour sortir du déséquilibre, pour chercher la paix. Mais il n’y a pas de paix ; on obtient seulement une trêve. Peu après, tout s’écroule et la recherche recommence. La création s’achève avec l’abandon définitif ou la mort. C’est ce qui explique que l’on recherche toujours quelque chose pour arriver à l’œuvre qui manque. On peut passer des mois sans rien faire qui justifie cette quête, mais on ne peut cesser de chercher. »
Carlos Liscano (Montevideo, 1949-), Le lecteur inconstant, p.41, Belfond, 2011
[choix de Vincent Gispert]