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* Sous l'oeil de Krishna / Sunny SINGH

Par Essel

Titre original :  With Krishna's eyes (Inde, 2006)


undefined "Comment expliquer que l'on puisse tomber amoureux d'un lieu ? Même pour une personne, l'amour perd tout son sens quand on essaie de le mettre en mots. Et l'amour pour une ville, pour un lieu est plus délicat, plus difficile à exprimer, impossible à expliquer. La première fois que j'ai vu la ville, c'était du côté ouest, sur une portion de l'autoroute parallèle à l'Hudson. Elle surgissait de l'eau, son reflet argenté brillait à la lumière du soleil. Telles les facettes de diamants, ses innombrables fenêtres attrapaient la lumière du soleil et luisaient du feu intérieur si indispensable à une gemme parfaite. Le fleuve luisait paisiblement tout autour, comme une grande douve gardant une précieuse forteresse. A l'une des extrémités, bijoux suprêmes, deux grandes tours s'élevaient dans le ciel. Comme un pays dans quelque histoire de magie, de dragons, de grands guerriers. Comme la couronne destinée au plus grand de tous les guerriers, au plus grand de tous les rois mythiques." (p. 50)
Vous aurez sûrement deviné : c'est de New-York dont est tombée amoureuse Krishna, qui y est partie étudier le cinéma. Mais ici on méprise Bollywood, et ses professeurs n'ont que le cinéma réaliste à la bouche. Et puis survient le 11 septembre, et Krishna déchante rapidement : elle est plus que jamais une étrangère à la peau brune donc suspecte, que rejettent à présent les habitants traumatisés de cette ville amputée, à l'instar de son amant peu de temps auparavant, pourtant d'origine hindou, Natchek. De retour en Inde, elle découvre le présent que lui a laissé Dadiji, sa grand-mère chérie, qui est décédée pendant son séjour aux Etats-Unis : une caméra, et sa dernière volonté, celle de filmer une avocate, Damajanti, qui se prépare, à la mort de son mari atteint par le cancer, à se faire "sati", c'est-à-dire à s'immoler par le feu...

Voici un roman d'apprentissage singulier, où l'héroïne, attirée par les feux de l'Occident, va s'y consumer avant de rentrer retrouver les traditions et les principes ancestraux de l'Inde, qui peuvent sembler incompréhensibles et archaïques de l'extérieur, et de prendre la suite de la dynastie guerrière de sa famille. Difficile ainsi de comprendre les motivations de cette avocate moderne et indépendante à se faire "sati", ce que la justice lui interdit d'ailleurs : ce n'est pas par amour, dit-elle, alors par tradition ? Par honneur ? Ou parce qu'elle ne trouve tout simplement plus de raisons de continuer à vivre ? Malgré la mondialisation, l'uniformisation galopante des cultures, la généralisation des voyages à l'étranger, il subsiste en chaque pays une identité irréductible tissée de croyances, de traditions et de relations sociales, ce qui en fait la richesse de l'humanité. Nonobstant, il me semble que certaines d'entre elles, à l'aune d'un regard extérieur, doivent impérativement être remises en question, dès lors qu'elles enferment hommes et femmes dans un carcan ou dans un destin liberticides.
 
SINGH, Sunny. – Sous l'oeil de Krishna / trad. de l'anglais (Inde) par Nathalie Bourgeau. – Picquier, 2008. – 365 p.. – ISBN 978-2-8097-0003-9 : 22 €.

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