OGM et emplois des lendemains qui sifflotent

Publié le 19 janvier 2012 par Copeau @Contrepoints

Si on oublie l’éolien et le photovoltaïque qui accumulent les performances record en matière de licencieheupardon d’emploi, l’écologie, c’est aussi l’âpre combat contre les méchants organismes génétiquement modifiés. Combat en passe d’être gagné en Europe, et dont les retombées, toujours en matière d’emploi, seront grandement appréciées en cette période de crise.
C’est donc avec un soupir de contentement que les écologistes (qu’ils fussent officiellement de gauche ou officieusement socialistes) ont appris la bonne nouvelle toute fraîche : BASF se retire purement et simplement du domaine OGM … en Europe et va ainsi réduire ses effectifs de 140 personnes dans les biotechnologies végétales. Et part s’installer aux Etats-Unis.

Comme le dit Greenpeace, c’est un vrai gain pour les consommateurs pauvres d’Europe.

Si on continue judicieusement le combat, on va pouvoir progressivement faire fermer l’ensemble des principaux pôles d’innovation grâce, par exemple, à des allers-retours permanents entre l’autorisation et l’interdiction de ces recherches, ou en exigeant l’absolue certitude d’un risque nul sur la nouvelle technologie envisagée. Risque nul impossible à trouver, à prouver, et dont l’absence, hermétiquement rédhibitoire, signera l’arrêt pur et simple de l’innovation en Europe.

On ne le rappellera jamais assez, mais l’innovation, même si elle procure bien sûr les emplois de demain, et permet une amélioration des conditions de vie de tout un chacun, doit être systématiquement pourchassée dès lors qu’elle présente la moindre parcelle de risque.

En plus, les emplois de demains restent fort hypothétiques, alors que les chômeurs d’aujourd’hui, au moins, ça, c’est du concret. Politiquement, un chômeur tangible et remonté comme un coucou suisse contre les méchantes innovations qui lui pourrissent la vie, c’est bien plus utile qu’un salarié calme et pondéré qui, finalement, se fiche comme d’une guigne de la politique.

On comprend dès lors qu’on ne puisse que se réjouir, comme Greenpeace, qu’une nouvelle brassée de chômeurs arrive sur le marché du non-emploi de demain.

Heureusement, de frétillants autistes arrivent, le cheveu en bataille, la langue un petit peu sortie et l’oeil droit en conversation soutenue avec l’oeil gauche, comme Hervé Kempf, du Monde, qui nous gratifie d’un de ces fébriles articles comme seuls les cuistres de compétition peuvent en pondre, en poussant un petit soupir de satisfaction à la fin, comme pour ponctuer d’une joie simple la fin d’un popo mémorable.

Et le Hervé, il a plein de bonnes idées forcément génialissimes qu’il ne peut pas s’empêcher de nous exposer. Comme vous avez un temps limité, je vous épargne leur lecture. En gros, le marxiste brouillon du Monde a trouvé le Graal qui va permettre de créer de l’emploi en France, et comme par hasard, ce Graal est justement cette jolie écologie, celle qui a tant de mal à embaucher, voire qui licencie, comme je le faisais remarquer il y a quelques billets.

Pour mon Kempf de combat, c’est bel et bien « l’économie écologique qui devient plus apte à penser le monde que le dogme néocapitaliste et son avatar keynésien. »

Ouch, oui oui, dit comme ça, ça fouette un peu les parties charnues. Ne relisez pas la phrase, trois chatons sont morts pour arriver à ce résultat dans lequel l’économie écologique pense le monde (ce qui est une tournure de phrase qu’en rhétorique on appelle « du vent »), et le dogme capitaliste s’affuble d’un néo sans lequel il aurait fait terriblement XXème siècle, je suppose, et qui s’acoquine avec du keynésianisme dans un tourbillon de n’importe quoi aéré comme du coton d’Egypte (bio).

(Au passage, Kempf est payé pour pondre ça. Les journalistes n’ont aucune pudeur.)

Dans le court exercice qui suit, notre penseur en courants d’air se lance donc dans la démonstration que pour s’en sortir, on doit donc tout miser sur l’écologie, qui permet d’avoir une économie stable mais pas immobile (je vous laisse coller les concepts que vous voulez derrière ces mots, c’est un exercice amusant à faire avec les enfants un pluvieux mercredi après-midi, après l’atelier pâte-à-modeler). Le pompon revient tout de même à sa conclusion qui, en un petit paragraphe serré comme un Parisien un jour de grève, en déduit que pour créer de l’emploi, « on réduira les activités polluantes pour développer des activités novatrices« .

Si l’on rebondit à présent sur la décision de BASF de se casser d’Europe où, précisément, les activités novatrices sont volontairement fauchées, on en arrive à la conclusion que ce Kempf du Monde est une incarnation parfaite de Mr Bean en Ministre de l’Emploi, incapable de comprendre, dans le monde clownesque et détaché de toute prise avec le réel dans lequel il vit, que le simple fait d’innover, c’est prendre des risques, c’est, précisément, impacter sur l’environnement, que créer des emplois, de l’activité, c’est, exactement, modifier l’environnement dans lequel on est pour l’améliorer. Et que ce sont ces améliorations que les consommateurs sont prêts à payer. Que c’est donc, de fait, notre lutte permanente contre l’environnement, au travers de l’innovation, qui permet de créer des richesses, et de l’emploi.

Et que c’est justement en faisant tout pour avoir une économie parfaitement stable, en intervenant sans arrêt pour lui dire comment être stable, que cette économie s’immobilise. Mais Kempf, sur son petit vélo stable et immobile, s’en fiche : il pédale en roue libre, pendant que BASF a pris le sien pour rouler ailleurs, loin de ces cons à paillettes payés à dégoiser sur des sujets dont ils ne comprennent absolument rien…

Et finalement, pourquoi ne suis-je donc pas surpris ?
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