Voici le message :
La chine dominatrice impose à l’occident qu’il produise et fournisse à l’Asie, trois quarts de sa production céréalière. Plus subtile et moins directe, elle baisse artificiellement le cours mondiale des céréales en jouant de ses immenses réserves de liquidités, qui lui permettent de peser lourd sur n’importe quel échange boursier. Sans compter sur la sous-évaluation volontaire de sa monnaie, et la surévaluation de la notre qu’elle arrive à maintenir en contrôlant indirectement toutes les banques centrales et fédérales au monde. Car la Chine est devenue la banque des banques, seule créancière sur terre elle asservie grâce à l’argent dette.
En Europe où plus aucun produit manufacturier n’est fabriqué, on nous explique que c’est une chance de pouvoir encore exporter, et c’est d’ailleurs notre seule source de devises. Aussi les humanistes prétendent que c’est à cette seule latitude, que la terre est encore cultivable, et c’est donc pour le bien de l’humanité qu’il faut exploiter au maximum nos terres. D’autres diront que c’est le prix à payer pour ne pas se faire envahir par trois milliards d’asiatiques fuyant la disette, et qu’on a plus le choix des armes.
L’inconvénient est que cette surexploitation agricole utilise quatre-vingt pour cent de l’eau potable. Il ne reste presque rien pour l’usage courant des hommes. Le manque d’hygiène et la proximité favorisent de nombreuses épidémies. Le fléau désigné comme source de tous les malheurs sont les virus résistants, qu’on impute en parti à la science à cause des OGM. Les chercheurs n’ont plus le prestige d’autrefois, ils sont relayés au rang d’alchimistes le mystère en moins. Car ce siècle est tourné vers la théologie. Plusieurs cultes cœxistent sans se gêner comme à l’époque de Rome décadente. Ils s’emploient à enseigner la fatalité et la quête du bonheur de vivre en paix sous un air culpabilisant. Cet écran de fumée est utilisé pour cacher la réalité du monde, et donner du crédit aux religions qui prônent à demi mot le châtiment divin. La chine subventionne fortement de manière détournée, tous les mouvements spirituels d’Europe qu’elle utilise comme opium pour endormir les peuples. Le petit livre rouge reste son unique principe directeur, et l’opium est une revanche qu’elle savoure chaque jour un peu plus.
Inondé de produits high-tech, les européens se réfugient dans une réalité virtuelle. Les déplacements sont réduits au strict minimum à cause des mesures restrictives visant à améliorer la qualité de l’air et d’éviter la contamination. Les rencontres se font par casque interposé dans un monde où on se plait encore à rêver. Personne ne sait qui contrôle tout ça, et personne n’ose émettre l’idée que ce soit encore la Chine. Tous semble aller dans les meilleures du monde puisque l’Etat Fédéral Européen Elargi, qui comprends aussi les pays du bassin méditerranéen, garantie à chaque citoyen le nécessaire pour subvenir à ses besoins élémentaires, en plus d’un accès au réseau. Très peu de personnes exercent un métier, tout est informatisé, robotisé, holographié, automatisé. Techniquement il est possible de vivre jusqu’à 150 ans branché à une machine qui assure le bon fonctionnement de nos organes vitaux, à condition de suivre un protocole strict afin de ne pas s’exposer aux robustes bactéries. Pour le reste il y a internet.
La population diminue, les naissances sont des événements. Nous ne sommes plus qu’une centaine de millions à l’Est aujourd’hui, et le temps de notre civilisation est compté. Car de l’autre coté de la terre, où vive sept milliard d’individus, on nous accuse de vouloir garder la main mise sur ce qu’ils appellent le grenier de la terre. Pour calmer les ardeurs on diminue chaque jour un peu plus le prix du blé jusqu’à ce qu’il soit devenu insignifiant. Selon les calculs de nos experts, nous pourrions résister 96 secondes exactement à une invasion asiatique en faisant un demi milliard de mort. Mais ce sera au prix de la disparition totale de notre civilisation. Pour l’instant, ils ne sont pas prêts encore à sacrifier autant de personne, mais l’idée fait son chemin, car à l’initiative populaire un corps de kamikaze de cent millions de personnes serait déjà prêt à tenter l’opération. Quand aux six milliards et demi restants, ils préfèrent nous voir mourir à petit feu.
Chaque jour se ressemble, personne ne trouve la force de se révolter contre cette lourdeur ambiante. Les hivers sont rudes et les étés caniculaires. Quand on pense qu’au XXI ème siècle les gens se plaignaient à 35°, aujourd’hui c’est le printemps à cette température. On frise les 50° parfois, avec interdiction de sortir dehors. Qui serait assez fou de le faire ? Les lois remplacent le bon sens que nous avons perdu depuis longtemps. Ainsi tout est réglementé jusqu’au tenu que nous portons. Certaines sont obligatoires pour la protection des UV faute d’ozones pour nous abriter, d’autres recyclent la transpiration en eau par exemple.
Sans ça nous risquons la suspension de nos droits vitaux, pour dissipation volontaire de ressources naturelles. C’est un crime que nous payons souvent de notre vie, car il n’y a aucun moyen de subvenir à nos besoins seuls sans assistances publiques. De cette manière nous sommes des esclaves volontaires du système que nous alimentons sans même le vouloir.
Cette lettre ne sert à rien, comme tout ce que nous avions entrepris jusqu’à présent. Elle a vocation à représenter une époque, celle que vous nous préparez sans rien nous demander. Parce que pour moi les dés sont jetés, je n’attends rien et je n’ai plus l’espoir d’un moindre changement. Il me reste seulement le refuge de la réalité virtuelle, d’un psychotrope parfaitement légal, ou la prière. Celle que j’adresse à un Dieu qui nous a abandonné, ou plutôt pour être plus juste, que nous avons abandonné, est cette lettre.
Ceux qui ont fondé notre civilisation étaient de puissants guerriers soutenus par l’Olympe, la notion du mal n’était pas la même que sous la domination chrétienne millénariste. Ils avaient pour seul objectif la survit de leurs descendances quitte à se sacrifier. Pour améliorer une citée romaine, les travaux s’étalaient parfois sur cinq générations. Impossible d’imaginer ça de nos jours, où les gouvernants fantoches changent tous les cinq ans, et où l’égoïsme est à son paroxysme.
A vouloir éviter les conflits, vous avez engendré une armée d’esclave. J’aurais préféré ne pas exister plutôt que de voir de mes yeux ce triste sort que vous nous réservez. Nous aurions du profiter de notre puissance pour organiser le monde plus justement, mais c’est trop tard, il ne reste que la nostalgie d’une époque révolue. Un jour même il ne restera plus rien, plus personne ne se souviendra du peuple qui fut le notre, l’histoire sera réécrite à jamais.