Il y a des jours où…
Puis il y a des jours ou pas…
Je viens de tomber, hasard de l’Internet, sur une vidéo prise par la TV Syrienne, à Homs, mercredi dernier, jour où Gilles Jaquier a trouvé la mort. On ne voit à terre, baignant dans son sang. On voit sa femme, elle aussi journaliste, photographe qui tombe nez à nez avec le corps inanimé de son mari.
Putain de guerre, me direz-vous.
Ces images sont insoutenables, bien entendu. Mais si tu as du courage, lecteur, clique.
On peut se poser quelques questions
Pourquoi des journalistes qui s’étaient déclarés et devaient donc être protégés par les autorités, ce qui est normal en temps de guerre civile, ne l’étaient pas ?
Pourquoi, comme par hasard, les équipes de la télévision d’Etat Syrienne n’était pas avec les autres journalistes et pile poil bien placés pour voir ces derniers se faire pilonner loin des militaires qui s'étaient retirés de la zone ?
Pourquoi, notre ministre des affaires étrangères, lorsqu’un Français se fait tuer en Syrie, part-il en balade en Birmanie ?
Le problème de la protection des journalistes de terrain se pose, comme lors de la prise d’otage de nos deux collègues en Afghanistan. Je suis la première qui gueulerait d'avoir les autorités au cul, mais je me rends bien compte que c'est un mal nécessaire s'ils font exclusivement leur boulot de protection. Pas s'ils essaient de nous empêcher de faire du terrain ou d'orienter notre travail.
Mais en aucun cas, comme je l’ai entendu ces derniers jours, nous ne devons abandonner. Lorsque l’on ne sait pas ce qu’il se passe dans un pays, nous devons aller voir. Ce que nous voyons, nous devons le raconter. Voir, entendre, ne suffisent pas, nous devons chercher, vérifier.
Ceux qui ont tué Gilles Jacquier savaient que ces images circuleraient et s’en servent pour faire peur aux journalistes. Ils s’en servent d’exemple.
Alors oui, ça fait cogiter un moment, mais la passion et l’info prennent le dessus.
Nous savons depuis bien longtemps que les journalistes sont des cibles, que ce sont des otages monnayables à grands frais. Mais nous savons aussi que si les journalistes quittent le terrain, il n’y aura plus d’info, juste de la manipulation et de la désinformation (clique, ce billet est génial), de l’infowar, et de tout ce dont voudront nous faire croire les puissants qui gèrent les états ou maîtrisent les réseaux.
La semaine dernière, les Syriens de Paris ont rendu hommage à Gilles Jacquier. Cela ne le fera pas revenir, et nous pensons tous encore à sa famille, mais cela nous rappelle qu’il y a besoin de journalistes sur le terrain, qu’il y a besoin de journalistes en Syrie, en Iran, en Tunisie ou ailleurs.