En mai prochain, ATR livrera en grande pompe son millième avion, confirmant ainsi que la persévérance finit par porter ses fruits. Mieux, la cérémonie qui est prévue à cette occasion dans les ateliers de Saint-Martin-du-Touch, sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac, permettra de mettre en évidence la nouvelle jeunesse de l’avionneur, en forte phase ascendante, un peu plus de 30 ans après sa création.
Dans les trois ans à venir, la production annuelle va progressivement passer de 54 à 85 exemplaires, une montée en puissance d’autant plus nécessaire que le carnet de commandes porte actuellement sur 224 appareils, hors options, le meilleur résultat jamais obtenu par la filiale d’Alenia Aermacchi et EADS (1).
Cette envolée laisse sur place Bombardier, désormais lointain second de ce duopole (que pourraient briser les Chinois), en même temps qu’elle consacre la supériorité des biturbopropulseurs sur le marché de l’aviation régionale. Sur le segment des 50-90 places, les jets ne comptent plus que pour un petit 15% des commandes et ne peuvent espérer remonter la pente, le prix du kérosène devant, selon toute probabilité, resté très élevé. Un ATR consomme 700 kg de carburant à l’heure de vol, moitié moins qu’un jet de même capacité, ce qui évite de devoir procéder à de longues comparaisons.
Filippo Bagnato, directeur général d’ATR, affiche une satisfaction très discrète et se garde soigneusement de tout triomphalisme. On est en droit de s’en étonner mais ce serait aussi mal connaître l’homme, efficace mais réaliste, qui affiche un ego de dimensions nettement inférieures à la moyenne des dirigeants de constructeurs aéronautiques, où qu’ils se situent. Du coup, on finit par oublier qu’ATR est une grande maison, constat qui suppose de bien en connaître les rouages.
Seules ses activités «nobles» sont en effet assurées en interne, y compris l’assemblage final. Mais, à travers ses actionnaires, partenaires et fournisseurs, les ATR 42 et 72 assurent près de 7.000 emplois et produisent un chiffre d’affaires d’environ 2 milliards de dollars, en croissance.
Ici, pas de difficultés de gouvernance, au sein d’une entreprise latine de bout en bout, trilingue encore que l’anglais y soit évidemment incontournable. Le chef des ventes, John Moore, est américain, ce qui tendrait à confirmer que cette fonction convient mieux aux citoyens U.S. qu’aux Européens. Mais c’est peut-être le simple fait du hasard...
Dans ce contexte optimiste, «la» question qui se pose, la seule, est de savoir si ATR lancera tôt ou tard un avion à 90 places complétant sa gamme par le haut. On sait, de longue date, que la réponse de principe est affirmative mais suppose naturellement la bénédiction des deux actionnaires. La question ne leur a pas encore été soumise, laisse entendre Filippo Bagnato, avec un calme olympien. Ce qui signifie sans doute qu’il n’est pas encore tout à fait prêt et que cette étape nouvelle viendra en son temps. En clair, les médias, comme souvent, ont moins de patience que les industriels.
Le marché potentiel est important, estimé à un millier d’exemplaires sur deux décennies.C’est ce qui s’appelle bénéficier d’une bonne visibilité.
Pierre Sparaco - AeroMorning
N.B. : Alenia Aeronautica, filiale de Finmeccanica, vient d’absorber Aeromacchi, une opération qui justifie la nouvelle appellation de la société, Alenia Aermacchi. Le nom historique d’Aermacchi est ainsi préservé.