2012 est une année rare de trois Vendredi 13. Ça augure mal, puisque vendredi le 13 janvier, le gigantesque navire de croisière Costa Concordia avec 4229 passagers à bord frappa un rocher, s’échoua et roula à tribord en Méditerranée. De plus, Nostradamus et les Mayas ont prédit la fin du monde pour 2012.
On se rappellera longtemps de 2012 puisqu’elle sera aussi hautement politique et électorale en Amérique, en France, au Québec, au Canada, dans les pays arabes… Une année exceptionnelle pour les mordus de la politique.
Aux USA, le résultat de l’élection présidentielle de novembre prochain peut secouer éventuellement le monde. La bataille entre les partis démocrate et républicain s’annonce pour être une des moins civilisées. L’élection primaire républicaine en donne des signes avant-coureurs. Les cinq candidats qui sont encore en liste : Mitt Romney, Newt Gingrich, Rick Santorum, Rick Perry, et Ron Paul n’hésitent pas à s’accuser mutuellement méchamment et faussement dans le but de salir leurs adversaires. Ils oublient qu’un d’eux sera le candidat contre Barack Obama et que l’organisation électorale de ce dernier pourra utiliser leurs diatribes contre lui.
Mitt Romney est le seul modéré du groupe et un ancien gouverneur républicain du démocrate Massachusetts où il a fait voter d’importantes lois sociales. Aujourd’hui, il dénonce des lois similaires d’Obama et renie son passé simplement pour plaire à l’aile conservatrice et religieuse de son parti. Il veut gagner à tout prix. Il récolte actuellement près de 35% des suffrages des primaires et l’establishment du parti l’appuie.
Ron Paul est un libertaire de droite qui croit en la liberté absolue de chaque américain en matière politique et sociale. Il s’oppose à la guerre et veut que la presque totalité des 900 bases militaires américaines dans le monde soient fermées et le personnel rapatrié. Il prône que les USA cessent d’influencer les pays du monde. Il veut diminuer considérablement les dépenses gouvernementales. 20 à 25% d’électeurs primaires enthousiastes l’appuient.
Newt Gingrich et Rick Santorum sont comme des frères jumeaux, même si Gingrich est plus âgé et a une plus vaste expérience politique puisqu’il a été le Speaker de la chambre. Ce dernier est un homme intelligent, un historien bien renseigné et un excellent orateur. Il est cependant un démagogue qui n’hésite pas à lancer des arguments insoutenables. Sa part d’appui se situe à près de 20%. Quant à Santorum, il est le candidat choisi des évangélistes. Ancien sénateur du Pennsylvanie, il a été chassé par ses électeurs par une marge de 16%. Nonobstant cette cuisante défaite, il est cette année candidat à l’investiture de son parti et est venu à huit voix de gagner la primaire de l’Iowa. On lui donne actuellement près de 15% des votes et son étoile est à la hausse. Une fusion Gingrich-Santorum est dans l’air car la droite récolte actuellement plus de 50% des suffrages et vise à avoir un candidat unique.
Quant au gouverneur du Texas, Rick Perry, il est fortement à droite mais sa campagne ne lève pas. Il est malhabile, mal renseigné et les débats l’ont coulé. Il devrait quitter la course bientôt et ses supporteurs (3-5%) iront vers Gingrich ou Santorum.
Malgré que la prochaine primaire soit en Caroline du Sud, terre fertile pour les évangélistes et la droite de la droite, Mitt Romney mène dans les sondages et la gagnera. Ce sera sa troisième victoire consécutive après celles du New Hampshire et de l’Iowa et elle amplifiera le vent dans ses voiles.
Dans cette course, comme toujours aux USA, l’argent est important. Ces primaires coûtent une fortune à chaque candidat, et lorsqu’un candidat faiblit, la source de ses revenus s’assèche et il se voit obligé de la quitter. Bientôt, trois candidats demeureront en liste. Romney, Paul et Gingrich ou Santorum.
Un facteur additionnel peut affecter le résultat. C’est le vote des délégués ex-officio, « Unpleged delegates », choisis parmi les dirigeants du parti. Ils représentent près de 20% du total des délégués à la convention et peuvent faire la différence. Je crois de plus en plus que Mitt Romney sera le candidat du parti républicain.
En France, le président Nicolas Sarkozy a des problèmes importants de réélection à cause, entre autres, de l’économie. Malgré qu’il ne reste que moins de 100 jours avant l’élection présidentielle, Sarkozy n’est pas encore officiellement en campagne électorale, prétextant qu’il a trop à faire en rapport avec la crise de l’euro et de l’Europe, la baisse de la notation de la France, et tout ce qu’il doit faire comme président. Il y a du vrai dans tout cela, mais ses actions et ses déplacements montrent bien, en tout cas, qu’il y pense. Depuis plusieurs mois, Sarkozy a remonté dans les sondages. La cote de son adversaire principal, le socialiste François Hollande a diminué mais il conserve une marge de 6% pour le deuxième tour si lui et Sarkozy sont les candidats. Cela semble beaucoup, mais si seulement 3% des supporteurs d’Hollande changent d’idée, Sarkozy peut gagner. C’est possible.
Mais comment gagner et avec quelle stratégie devant la détestation manifeste d’un très grand nombre de Français. Comment agir face un Hollande qui l’accuse de n’être qu’un gouvernement de paroles, alors qu’à ce jour, comme candidat socialiste, il ne dit que des mots, des mots et encore des mots qui ne signifient rien de concret car il ne veut pas s’engager et risquer des critiques. Le défi de Sarkozy est grand, mais possible. Comment faire ?
Il semble que Sarkozy optera pour l’action. Il veut implanter des changements qui depuis longtemps auraient dû l’être. Des changements qui répondront aux vrais problèmes de la France, la compétitivité et la productivité. C’est la raison principale pourquoi l’Allemagne a si distancé industriellement la France. C’est aussi l’argument de Standard and Poor’s, cette semaine, lorsqu’elle a baissé la note de la France de AAA à AA+.
Sarkozy a fait beaucoup pour encourager les Français à travailler plus. Il a combattu et corrigé l’erreur magistrale qu’a été la loi des 35 heures. Il reste à favoriser l’emploi dans les entreprises et chez les artisans en éliminant les charges sociales.
Je vis en France depuis 13 ans, 4,5 mois par an et combien de fois ai-je entendu un artisan français plombier, ébéniste, maçon, jardinier, électricien, et autres travaillant seuls, et à qui je demandais la raison pour laquelle ils n’engageaient pas d’employés alors que leur carnet de commandes débordait. « les charges, Monsieur, les charges… », est la réponse chaque fois. Impossible de faire un profit raisonnable face à un coût de travail excessif.
Sarkozy, veut s’attaquer à cette situation en proposant la TVA sociale. Il s’agit d’augmenter la taxe de valeur ajoutée de 2% et de financer, avec ces revenus additionnels, les cotisations sociales actuellement payées par l’employeur et l’employé sur chaque salaire. Sans ses charges, l’employeur profite d’une meilleure compétitivité-prix et l’employé voit son revenu net augmenter. Je suis convaincu qu’il y aura une augmentation rapide de l’emploi chez les artisans et que les entreprises pourront vendre leurs produits à meilleurs prix à l’étranger puisqu’ils pourront concurrencer les autres pays. Évidemment, l’opposition est forte, et accuse Sarkozy de ne vouloir faire qu’un cadeau aux entreprises au détriment d’une augmentant des prix pour les consommateurs.
Si Sarkozy prend finalement cette décision, ce sera un geste non seulement nécessaire à ce moment-ci, mais courageux. À cause de l’élection présidentielle, la France ne peut quand même pas rester 6 mois à ne rien faire face aux menaces qui la confrontent.
Au lieu de promesses électorales, Sarkozy passera à l’action. S’il perd, tant pis pour lui, mais la France aura gagné. Si les Français comprennent son geste, l’impopularité initiale de cette mesure sera renversée et Sarkozy sera réélu. Quant à Hollande, il sera devant un dilemme important : la France ou le parti socialiste. S’il est politiquement intelligent, il optera pour la France en appuyant Sarkozy. Il amenuisera ainsi les effets positifs gagnés par le président.
Au Québec, c’est l’ère des transfuges. Il s’agit d’individus qui se qualifient « personnes de principe », mais qui laissent l’impression de ne chercher qu’à sauver leur poste de député ou de vouloir accéder au cabinet des ministres du prochain gouvernement. Je suis surpris des ouvertures de François Legault, chef de la « Coalition de l’avenir », aux députés des autres partis. Je n’aime pas qu’il favorise de telles singeries. Alors qu’il trône au haut des sondages depuis un long moment, que la presse est bonne pour lui et qu’il est populaire, pourquoi ne présente-t-il pas une brochette de candidats nouveaux et de haut niveau prêts à laisser leurs affaires personnelles pour servir le Québec. Les Québécois veulent des personnes sincères et compétentes pour les diriger. Ils aiment des chefs forts mais pas des « one-man show ». Le chef François Legault a les moyens, grâce à son niveau élevé de popularité, de présenter une « équipe du tonnerre ». S’il ne le fait pas, il ferait mieux de rentrer chez lui tout de suite, car les Québécois l’y amèneront le soir des élections.
Quant au Parti Québécois, c’est l’auto-destruction qui est en vogue. Malgré que la chef, Pauline Marois, ait obtenu 93 % d’appuis au dernier congrès, les députés, affolés par les sondages, ne cessent de critiquer sur la place publique leur chef et leur parti quand ils ne les quittent pas. Et les « purs et durs » ne cessent d’invectiver la chef tout en appelant à l’unité des forces. C’est ridicule car s’il n’y a pas d’unité dans un parti, il n’y a pas de succès électoral.
Devant ce parterre de groupuscules qui se chamaillent, la chef semble vouloir prendre la politique française comme modèle. Elle veut proposer des ententes avec les micropartis souverainistes. Il s’agit pour elle d’attribuer à ces groupuscules des comtés où le Parti Québécois ne présenterait pas de candidats en échange qu’ils ne présentent pas de candidat contre ceux du PQ. Par exemple, dans le comté de Gouin, le Parti Solidaire présente sa chef Françoise David contre le député sortant Girard. Cela pourrait avoir comme effet de diviser les votes et de permettre au candidat libéral ou caquiste de gagner le comté. C’est du magouillage politique et antidémocratique et l’exemple français démontre combien c’est injuste. Mme Marois fera une grave erreur si elle accorde l’opportunité à ces groupes non importants d’obtenir, par un jeu de coulisses, des représentants à l’Assemblée nationale qu’ils ne pourraient obtenir autrement. Le PQ le regrettera longtemps.
Que les souverainistes, indépendantistes, séparatistes, péquistes se rallient derrière la chef du parti Québécois et ils seront surpris des résultats. Dans la situation de fluctuation actuelle, rien n’est perdu et affirmer comme certains que la prochaine élection marquera la fin du parti Québécois, est de la folie furieuse. Quand même, soyons sérieux !
Quant au parti libéral de Jean Charest, il se dirige lentement et surement vers un gouvernement minoritaire. À moins que Jean Charest ne démissionne, comme je le prévois.
Au niveau fédéral, c’est l’élection du chef du Nouveau Parti Démocratique (NDP) qui est importante pour le Canada. Les membres de ce parti ont un choix important à faire. Ils ne doivent pas oublier que la majorité des députés de leur parti vient du Québec. Thomas Mulcair, le député NPD d’Outrermont est candidat. Dans sa carrière professionnelle, il a toujours été associé à des causes difficiles et à des groupes de défense de droits de l’individu. Il a été ministre de l’environnement du Québec et a protégé notre patrimoine écologique allant même jusqu’à refuser une décision gouvernementale, en raison de laquelle il a finalement démissionné du gouvernement et du parti. Il s’est présenté à Outremont pour le NPD et a réussi l’impossible en se faisant élire député fédéral. Le seul au Québec. Il a bien travaillé à la Chambre des communes et a démontré sa vigueur et sa rigueur dans ses débats avec le premier ministre et les ministres. Il a collaboré étroitement avec Jack Layton, est devenu son principal assistant et a contribué grandement à l’élection des 59 députés québécois le 2 mai dernier. Nous savons qu’il a toutes les qualités requises pour être un bon chef de parti et qu’il saura bien représenter tous les électeurs du NPD.
Mais peut-il gagner la chefrie ? Aujourd’hui, cela semble peu probable à cause du fait que ce sont les membres qui votent et qu’au Québec, à cause de la conjoncture, il y a peu de membres. Les députés du Québec y travaillent, mais réussiront-ils ?
Le choix du chef NPD est difficile à cause des qualités personnelles des huit aspirants. Le favori d’après les observateurs serait Brian Topp, un organisateur de longue date. C’est un Québécois, qui parle le français. Cependant lors du premier débat, il a démontré de la difficulté à s’exprimer avec aisance, charisme et conviction. Topp a affirmé qu’il apprendrait avec le temps. Malheureusement, ce n’est pas en tant que chef de l’opposition officielle à Ottawa que le temps est venu d’apprendre à débattre. Non, le chef est alors dans le feu de l’action et ses mots et ses arguments doivent porter. Avec Mulcair, nous sommes certains qu’il sait comment faire. Il l’a démontré maintes fois dans le passé.
J’espère que les délégués néodémocrates auront l’intelligence politique de choisir Thomas Mulcair comme chef de leur parti.
Puis, il y a tous les pays arabes qui seront confrontés en 2012 avec l’immense tâche politique de bâtir des gouvernements démocratiques à leur image. Marocains, Tunisiens, Libyens, Égyptiens et de nombreux autres ont devant eux un défi important pour l’avenir de leur pays et la liberté individuelle de leurs populations. Il est clair et normal, dans les circonstances, que ces gouvernements seront musulmans tout comme les nôtres en Occident étaient chrétiens alors que nous étions tous de fervents pratiquants, il n’y a pas tellement longtemps. Ce sera fort intéressant de suivre le développement politique de tous ces pays.
Oui, 2012 sera une année politiquement remplie et exceptionnelle.
Claude Dupras