J'ai voyagé. Longtemps. J'ai pris des avions, moyens ou long courrier. J'ai aimé l'odeur du kérosène des aéroports.
L'aéroport, première invitation au voyage. J'ai aimé ce moment où, passé le stress de la préparation des bagages, tu te présentais à l'enregistrement, avec billet, bagages et passeport... Il y a toujours eu un avant voyage. L'idée du voyage, cette excitation née de la projection. Je vais partir. Puis venait le moment où il s'agissait de savoir ce qui était indispensable au voyage. Fringues, accessoires, appareils photo, livres, iPod, magazines... Singe en peluche. Oui, j'ai voyagé avec mon singe. J'en avais même fait un blog. Je le photographiais à Tokyo, Seoul, San Francisco ou New York.
Mais revenons aux aéroports. Une fois les bagages enregistrés, se diriger le pas léger vers la salle d'embarquement, passer les contrôles, attendre, grignoter quelque croissant dans le lounge voyageur, prendre un café en regardant l'activité sur les pistes. Attendre encore. Monter à bord, s'installer pour 3, 5 ou 13 heures, de jour comme de nuit. Recréer une bulle, sentir les vibrations de moteurs, attacher sa ceinture, sentir dans son corps la pression du décollage, le rugissement des réacteurs. Se sentir libre.
Dans le voyage, il y avait la parenthèse du vol. 33 000 pieds au dessus du monde, qui n'apparaissait plus que sur une carte, sur un petit écran couleur que l'on consultait de temps à autre. Le temps passé dans l'avion a toujours été une phase magique, celle où tu n'étais plus joignable, où tu étais dans les limbes, ni chez toi, ni encore là bas. Tu étais au dessus de l'océan. Tu sentais le froid de l'extérieur quand tu poses ta main sur le Plexiglas du hublot, ou sur la parois de la carlingue. Parfois, comme sur les vols Paris-Tokyo, un coup d'oeil à la carte t'apprenais que tu survolais le désert de Gobi. Il faisait nuit. La seule lumière visible était celle de l'extrémité de l'aile. Puis il y avait le petit matin, le soleil qui apparait au dessus des nuages. Tu avais mal dormi. Ou peu dormi. Il restait quelques heures en l'air. Puis, une fois le café et les toasts engloutis, on entamait la descente. On perçait la couche nuageuse. On apercevait des champs aux formes géométriques. On apercevait des toits. Le paysage s'agitait, on survolait les autoroutes bondées. Des pointes d'écume apparaissaient à la surface de l'océan, les sillages des bateaux, aussi.
L'avion s'éveillait. Chacun rangeait son terrier. Pliait sa couverture. Remplissaiit maladroitement le formulaire de débarquement en se demandant toujours quelles cases il devait remplir.
Impact des roues sur le sol, freinage, immobilisation de l'appareil. Arrivée au parking, personne ne se lèvait, mais tout le monde avait déjà allumé son téléphone, malgré les consignes.
Débarquement, formalités, attente. Attente du coup de tampon sur le passeport, attente des bagages, attente jusqu'à la délivrance, les premiers pas en terre inconnue.
La première fois est toujours la meilleure. C'est connu. Presque un cliché. Et pourtant.
Je me rappelle de la première vision du skyline de Manhattan, avec les Twin Towers encore debout, assis sur la banquette défoncée d'un Yellow Cab hors d'âge. Je me rappelle de mes premiers pas sur le sol japonais, juste sorti du terminal d'arrivée de Narita, attendant le Limousine Bus pour rejoindre Tokyo. Exquise politesse du chauffeur, annonces dans une langue incompréhensible, caractères kanji... Je me rappelle avoir été littéralement "Lost in Translation", déboussolé, perdu dans un monde que j'aspirais à découvrir depuis des années. Je me rappelle de mes premiers pas à Istanbul, d'une arrivée nocturne, et de cette impression étrange de ne pas savoir où j'allais, pas plus que le chauffeur de taxi, d'ailleurs. Je me rappelle de Montréal, où je me suis senti tellement chez moi, au point de vouloir émigrer au Québec une fois rentré à Paris. Je me rappelle avoir quitté Tokyo pour aller visiter les temples de Nikko, avoir quitté Seoul pour découvrir la DMZ à la frontière qui sépare les Corées du Nord et du Sud. Je me rappelle les virées à Lan Kwai Fong, Kabuki-cho, Soho, la Route 66, la Highway One. Je me rappelle des motels du South Dakota ou de Floride, des routes américaines interminables lignes droites, parcourues au volant d'une Chevy ou d'un RV. Je me souviens des monts Sorak dans le brouillard à l'Est de la Corée. Je me souviens de la vallée du Dras et du Dadès, des tentes caïdales, de la vision du sable et des rochers.
Voyages d'affaires, voyages plaisir, seul ou en famille. Voyages, quoi. Vous me manquez.