Le marin est superstitieux, du moins le dit-on. Et quand, lors du baptême d’un navire, la bouteille de champagne refuse de se briser contre la coque, on dit que c’est de mauvais augure. C’est ce qui est arrivé au Costa Concordia, l’augure funeste semblant être un capitaine approximatif. Effectivement, ce naufrage pue à plein nez l’erreur humaine, les médias en font suffisamment l’écho pour que j’évite d’y mettre mon grain de sel.
Cette catastrophe, indépendamment du drame humain qu’elle représente pour les victimes et leurs proches, pose la question de la course au gigantisme. Un bateau de 290 m de long, haut comme un immeuble. Lorsqu’il a été mis en service, en 2006, c’était le plus grand navire à avoir été construit dans le chantier de Gênes. Seuls trois autres chantiers navals au monde sont capables de pondre de tels monstres, dont celui de St-Nazaire. Actuellement, son carnet de commande n’est pas suffisamment rempli, même si deux paquebots de ce type viennent d’être commandés. Quid de la construction de ce type de navire si le secteur de la croisière entre en crise, même passagère, après cet accident que l’on croyait improbable ?
Des bateaux puissants, stables, un équipage pléthorique, on se dit que ça ne peut pas chavirer. Mais les procédures d’évacuation sont-elles au point ? manifestement non sur le Concordia, où la panique a rajouté à l’impréparation son lot d’horreurs (oui, des gosses ont été bousculés par des adultes qui voulaient sauver leur peau). L’adage “les femmes et les enfants d’abord”, c’est bon pour le cinéma !
Construire toujours plus grand pose aussi des problèmes techniques que les armateurs feignent d’ignorer. Le plus grand paquebot actuellement en service atteint les 365 m de long et transporte 4500 passagers et 2600 membres d’équipage. Quel port peut accueillir un tel engin ? Il faut de la place, du tirant d’eau. Rien qu’à Bordeaux, seuls les bateaux dépassant à peine 200 m peuvent entrer dans le port de la Lune. Les autres accostent au Verdon, et c’est autrement moins sexy que les quais bordelais. Le problème du gigantisme est aussi posé par les assureurs : à combien chiffrer les primes de ces bateaux ? qui va réellement payer la casse ? la compagnie Costa vient de perdre un bateau quasi-neuf, le fleuron de sa flotte. Qui va rembourser la totalité ? et l’indemnisation des victimes ?
Au final, un accident d’une redoutable bêtise, des erreurs à répétition, beaucoup d’improvisation. Quel gâchis !
—> Illustration : chantier naval de Saint-Nazaire en 2007, avec deux paquebots en construction (si si, regardez bien, il y en a deux l’un derrière l’autre).
—> A cliquer :
- la notice wikipédia du Concordia, mise à jour presque en temps réel.
- un article du site Econostrum.info sur le naufrage du Concordia.
- un article paru dans Ouest-France le 16 janvier.
- un article paru le 2 janvier dans l’édition nantaise de 20 minutes, évoquant la dernière commande reçue par le chantier STX de St-Nazaire.