A l’heure où le cinéma hexagonale projette le film de Pierre Pinaud, «Parlez-moi de vous », Carlotta films ressort le cinquième long métrage de Oliver Stone .Quasiment passé inaperçu à sa sortie en 1988, il évoque lui aussi le quotidien nocturne d’un animateur de radio, Barry Champlain en prise directe avec son auditoire.
Le ton est évidemment bien différent.Le réalisateur de «The doors » demeure dans la sphère réduite du studio, d’où ne s’échappent que par intermittence quelques flash-back et apartés.Le registre est celui de l’enfermement et de la paranoïa galopante, d’un individu qui maltraite son public, et qui le lui rend bien.
Et qui en redemande , de cette joute verbale qui vire souvent au pugilat , tempo punching ball, et rythme effréné parfait pour un Oliver Stone alors en quête d’une reconnaissance définitive. Il s’apprêtait à tourner « Né un 4 Juillet ».
Sa mise en scène nerveuse et attentive au moindre fait et geste, nous donne plusieurs séquences d’anthologie dont l’annonce d’un prochain viol en directe. On parle aussi de la dépénalisation de l’héroïne, de l’Holocauste et des juifs en général, dont fait partie Champlain.
C’est l’Amérique qui se profile dans ces psychodrames où la haine,la colère,l’humiliation se déversent dans le trop plein de l’animateur que joue à la perfection Eric Bogosian , aujourd’hui disparu de nos écrans.
Passionné, enragé (la scène où il pète les plombs est hallucinante), dépité, amoureux, Barry Champlain est un fabuleux personnage que la caméra de Stone scrute sous tous les angles, avec cette particularité d’un double regard. Celui des auditeurs dont on n’entend que la voix, et qui n’ont pas accès à l’intimité du studio où d’autres personnes observent le manège de l’animateur : son patron, sa productrice et amante, son technicien, son ex femme qui débarque le temps d’un aller retour entre deux souvenirs. D’une pièce voisine elle lui fera une merveilleuse déclaration d’amour. Comme un coin de ciel bleu dans la nuit américaine.
Rencontre avec Oliver Stone (27 mn)
Ce qui ressort de cet entretien, c’est la satisfaction plusieurs fois manifestée, du réalisateur, qui explique bien pourquoi et comment ce film lui donne encore aujourd’hui du bonheur. On le comprend.
« C’est un film que j’ai d’autant plus soigné que c’était quelque chose de monomaniaque » . « Talk Radio » a été imaginé d’après un monologue écrit et interprété par Bogosian, à Broadway, « auquel j’ai mélangé la biographie d’Alan Berg « Talked to death », un animateur radio assassiné par un groupe d’extrême droite. J’ai eu l’idée du film quand les radios libres débarquaient .Les auditeurs s’exprimaient pour la première fois, c’était nouveau pour moi, et donc une bonne idée de film à condition de bien mixer la pièce de théâtre et la biographie de Berg ».
Oliver Stone n’est pas avare sur sa technique de travail qu’il détaille à travers les mouvements de caméra, l’absence de profondeur de champ, le début de la Steadycam, le traitement audio, « très important pour un film où l’on entend beaucoup les voix, sans voire les visage… »
L’accueil très mitigé du public et souvent détestable de la critique, à une époque où le film doit affronter des poids lourds (Noël 1988), lui pèse encore beaucoup … Ce dvd est une séance de rattrapage à ne pas manquer .