Le duo EADS/Airbus va presque très bien.
«Nous sommes la partie de l’Europe qui fonctionne», vient de déclarer Louis Gallois, président exécutif du groupe EADS. Les résultats financiers de 2012 ne sont pas encore connus mais la bonne tenue de la cotation et l’amélioration notable de la valeur boursière enregistrée au cours de ces derniers mois annonce probablement un redressement que l’ont dit bien mérité.
Rien n’est facile pour autant. Ainsi, l’objectif de tendre vers l’égalité entre activités civiles et militaires reste hors de portée, en partie, il est vrai, en raison de l’excellence du portefeuille de commandes civiles d’Airbus dont les livraisons continuent d’augmenter.
D’autre part, on devine que les difficultés dans les relations franco-allemandes n’ont toujours pas disparu. Tout au contraire, dans la coulisse, elles compliquent singulièrement la refonte du sommet de l’organigramme liée au départ en retraite prochain de Louis Gallois. Rien de nouveau ni d’inattendu, de ce côté-là, officiellement tout au moins : «ne soyez pas impatients», dit le président bientôt sortant. Mais il reconnaît que le plus vite sera le mieux, il ne faudrait pas trop attendre.
Certes, tout le monde sait que Thomas Enders prendra la relève et sera lui-même replacé par Fabrice Brégier, en vertu de l’alternance. Mais, à l’étage du dessous, rien ne va dans la mesure où la France souhaiterait d'avantage d’influence et éviter que des postes de grandes responsabilités ne soient confiés à des Allemands et transférés à Munich. On entend aussi –mais ce sont des rumeurs- que l’actionnaire étatique français voudrait qu’un Français succède à Lutz Bertling à la direction d’Eurocopter. Non pas qu’il ait démérité mais pour obtenir un équilibre qui serait rompu pour cause de germanisation.
C’est évidemment très décevant. On en arrive ainsi à se demander si EADS est vraiment à l’image de l’Europe qui fonctionne bien, sa gouvernance étant régulièrement remise en question. Certes, le groupe se prépare à engager 9.000 personnes, une information qui, en ces temps de difficultés économiques multiples, est malheureusement très rare. Mais, en revanche, pour accéder aux postes du sommet, il convient encore et toujours de disposer de la «bonne» nationalité. EADS sortira-t-il un jour de ce guêpier ?
Du coup, ici et là, on prend connaissance avec une évident manque d’attention des excellents résultats commerciaux et industriels d’Airbus de l’année 2012 : le nombre de commandes, 1.419, annulations déduites, constitue un record absolu, lié en grande partie au démarrage spectaculaire de l’A320 NEO. Les livraisons, 534 avions destinés à 88 clients, correspondent elles aussi à une nouvelles progression.
Aucun triomphalisme n’est perceptible pour autant. Boeing, dans le même temps, n’a livré «que» 477 avions civils, laissant son rival caracoler en tête de la «course». Mais on sait aussi que la situation pourrait s’inverser en 2012 quand seront comptabilisées les nombreuses commandes de 737 MAX, annoncées mais non encore signées.
Dès lors, John Leahy ne s’appesantit guère sur une part de marché inédite de 64%, nécessairement provisoire, et prévoit prudemment un retour à «moins de 60%» tout simplement logique. Cela sans la moindre allusion au Comac 919 chinois et à l’Irkut MS 21 russe qui, pour l’instant, sont relégués à des seconds rôles de simples figurant.
Côté militaire, le transport/ravitailleur MRTT compte de nombreuses victoires mais les chiffres sont modestes (22 appareils en commande) tandis que des espoirs plus concrets que dans le passé reposent dorénavant sur l’A400M (notre illustration). Le premier des 174 exemplaires commandés sera livré dans 12 mois et la promotion sur les marchés d’exportation va bientôt bénéficier d’une réelle vigueur, compte tenu d’un potentiel de 400 exemplaires, affirme Tom Enders. En d’autres termes, les affaires vont bien mais la gouvernance est encore et toujours à la traîne.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: Daniel Faget)