Quand j’étais gosse encore, début des années soixante, je me souviens de mon grand-père qui râlait contre la télévision. Déjà à cette époque la télé attisait les controverses et les discussions, donc les rouspétances. Je passe sur la qualité des programmes, tous les goûts étant dans la nature et en ce temps-là, le nombre de chaînes étant restreint, les choix l’étaient tout autant et chacun voyant midi à sa porte on pouvait gloser à l’infini, ce dont on ne se lasse pas aujourd’hui encore.
Par contre, un débat qui revient régulièrement à la surface à propos de la télévision, c’est le danger supposé entre la violence montrée dans les films diffusés par la télé et la montée de la violence dans nos sociétés. Et mon grand-père donc, de s’emporter contre ces films pleins de coups de révolver et de bagarres qui auraient une conséquence inévitable, rendre Paris aussi dangereux que Chicago. Pourquoi Chicago me demanderont les plus jeunes ? Parce que mon pépé se référait à ses jeunes années et qu’alors, époque de la prohibition aux Etats-Unis et d’Al Capone, Chicago était le centre de règlements de comptes à la mitraillette. Bien entendu, je rigolais bien quand le grand-père rouscaillait en enfourchant ce cheval de bataille.
Néanmoins, il n’était pas le seul à s’interroger sur ce fait qui paraissait évident car concomitant, à mesure que la télévision montrait des films de plus en plus violent et réalistes, les faits divers dans les journaux relataient des actions délictueuses de plus en plus meurtrières. De là à voir cause à effet, le pas était vite franchi, trop vite peut-être. D’où le débat, entre partisans et adversaires de cette explication. Et depuis ces années soixante, le débat n’est toujours pas tranché. On l’enterre, on le déterre et ainsi de suite, selon l’actualité journalistique ?
Mon journal télé (Télé2semaines du 31/12 au 13/01) vient de le ressortir de ses placards. Selon une compilation de 3500 enquêtes scientifiques, il ressortirait que les images violentes rendent violent. Ce que corrobore Marc Valleur, psychiatre à l’hôpital Marmottan, « il y a effectivement une corrélation entre la surexposition aux médias etla violence. Contrairement aux jeux vidéo, même violents, la télé montre la réalité ; ce n’est pas du jeu, ce n’est pas pour rire. Elle banalise la violence. »
Mon grand-père avait-il raison ? Son bon sens populaire l’avait-il averti très tôt de cette dérive insidieuse qui gagnait nos sociétés ? Nul n’est prophète en son pays, l’avertissement n’est resté que prétexte à râler, un prétexte de plus.