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En attendant Mélenchon

Publié le 30 décembre 2011 par Oz

C’est une question qu’on aurait aimé lui poser d’emblée : « Monsieur Mélenchon, le vrai bonheur existe-t-il ? » Ou bien, variante : « Monsieur Mélenchon, quelle est votre conception du bonheur ? » Plus personnelle encore : « Monsieur Mélenchon, êtes-vous un homme heureux ? »

A le voir débarquer dans les premières images du documentaire « La mécanique Mélenchon » que lui a consacré la chaîne LCP, mercredi 28 décembre, on aurait eu en tout cas des raisons de douter de la réponse : un rien fripé, le regard las, la voix qui s’attarde un peu plus que de coutume sur les chuintantes, le candidat du Front de gauche est à l’évidence un homme fatigué ce soir-là. Fourbu par des journées de campagne successives, sans répit. Ses premiers mots le confirment : « Ça ne va pas très bien. » Il a rencontré « trop de journalistes pour aujourd’hui ». Du coup, la question initiale aurait peut-être semblée plus incongrue, plus mal venue que jamais.

Il n’empêche, elle est naturellement passée par l’esprit du téléspectateur, et pour cause : en attendant Jean-Luc Mélenchon, la chaîne parlementaire diffusait « Tombé du ciel », le magazine de la spiritualité (en partenariat avec Le Monde des religions). Trente minutes essentielles consacrées à des interrogations qui le sont tout autant. Exemples : « Les religions peuvent-elles changer le capitalisme ? »« Lieux de culte : quelle place dans la cité ? », ou encore « Les mariages mixtes, une chance pour nos sociétés ? ». Le hasard de la programmation avait donc bien fait les choses et la question était évidemment la suivante : « Le vrai bonheur existe-t-il ? » Ecrivains, sociologues, psychologues, adeptes de gymnastique traditionnelle chinoise ou de méditation transcendantale y venaient témoigner de leur quête, impossible, achevée, en cours.

Marcher « pour se retrouver », comme l’écrivain Olivier Lemire ? « Apprendre à s’aimer soi-même », comme le conseille le psychosociologue Jacques Salomé ? C’était sûr, maintenant, on ne se débarrasserait pas de la question existentielle comme ça. Alors, le bonheur, pour Jean-Luc Mélenchon, était-ce plutôt de « dire non » et d’être « fidèle à ses engagements et à ses valeurs », toujours selon les recommandations de Jacques Salomé ? A moins qu’il ne trouve dans les débats, les polémiques, la rhétorique, la provocation, sa seule et unique source de joie. Pourquoi pas ?

On n’en saura pas plus en tout cas. Car même à le suivre pas à pas durant une heure – de télé pour nous, plusieurs jours de campagne pour lui – on ne parviendra guère à voir vraiment sous le masque du candidat. Il avait d’ailleurs prévenu : pas question de parler de lui, uniquement de ses idées. Le candidat du Front de gauche baissera pourtant furtivement la garde. Evoquant les racines de son engagement politique, il en appellera en effet au souvenir de sa mère, « catholique pratiquante » - « On ne passait jamais à côté de la pauvreté sans compassion » - et à l’insupportable souffrance des animaux. Tous les chemins mènent à la félicité.

(Paru dans Le Monde daté du 30 décembre 2011)

Olivier Zilbertin


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