De plus, l’intrigue dicte la matière, ses luttes et ses paradoxes pas toujours brillants : l’éducation, sa réalité. Il y a de quoi là provoquer un petit scandale, penser à une autre révolution. En effet, j’ai été touchée par le tempérament de Monsieur Lahzar, ce qu’il porte de puissant : un genre de résistance, de liberté, un symbole de transmission, par exemple la manière dont il arrive à créer une complicité avec sa classe, ses collègues. Une lente et belle patience dans un pays enclin aux murmures, à l’effacement, qui ne se résout pas à faire. Ainsi, il serait déraisonnable de penser qu’il se sent à l’aise comme un poisson dans l’eau dans cette petite école du Plateau Mont Royal, mais nous assistons néanmoins, jour après jour, à sa métamorphose, tout en partageant ses relents du passé, sa démarche existentielle, de laquelle Falardeau va nous entretenir, jusqu’à la toute fin du film. En même temps, le fil cinématographique nous amène dans le récit d’anecdotes, amusant souvent Monsieur Lazhar, mais qui ne masque pas ses plaies, qui laisse deviner la tension intérieure de cet homme solitaire, algérien, qui a laissé sa femme là-bas, et dont nous apprendrons plus tard tout le drame personnel et politique. Bref, Philippe Falardeau est un véritable portraitiste et un critique social efficace; son style est discret, travaillé, mais souple et surtout parfaitement naturel.
En somme, je vous invite toutes et tous à voir, et même revoir, ce film; à en discuter autour de vous, à écrire si vous le pouvez, afin de le porter plus loin, plus haut, pour le fixer concrètement dans nos réflexions sur l’avenir de l’éducation au Québec, vaste sujet s’il en est, et dont nous semblons parfois avoir peur de dépeindre collectivement. En effet, au Québec, on passe souvent à deux doigts de faire quelque chose, à deux doigts d’aller au bout du monde, à deux doigt de créer de véritables chefs-d’œuvre.