Hier Poezibao a proposé dans son anthologie permanente des extraits de l’œuvre de Juan Gelman. Aujourd’hui hommage à son traducteur qui est aussi poète. Avec des fragments de Ode au recommencement, chant II, texte paru tout récemment dans la revue Résonance Générale.
Je reviens, je suis là, seul dans l’étroit périmètre du jour avec l’averse & le brusque soleil, avec la fixité des choses qui me regardent
je rentre dans mes gestes, dans les images de mes yeux, ma voix retrouve des paroles connues, je ne suis de nouveau que ce peu d’espace et de temps qui s’appelle un corps
le monde autour reprend forme rassurante, haut & bas, droite & gauche, proche & lointain, d’autres corps, d’autres vies, d’autres oublis
j’écoute dans ma voix revenir la voix de ma mère, de mon père, que j’entends toujours sous les voix
j’entends ma langue dans ma bouche, celle qui articule & celle qui fait sens & je suis de nouveau chez moi
pendant ce temps le paysage s’en va, des champs, des chemins, des bois, la vie est ce paysage qui défile devant moi
ou est-ce moi qui défile, ou les deux ensembles, & quel mouvement nous emporte pour que tout perde soudain cette stabilité rassurante qui fait le monde.
& si je reviens encore, c’est dans une impermanence où je me perds, je me défais, diastole
systole, ici, ailleurs, ce qui parle ne m’attend pas – ne m’entend pas, je crie, attends, attends, je suis comme je peux, je me ressemble, je règle mon souffle
mais rien n’y fait, c’est une course immobile où je ne rattrape que du passé, cette gare, ce buffet, cette odeur de café, c’était quand au juste
cette chaleur de juin, une rue, des jardins, je mets mes pas dans mes pas, mes gestes dans mes gestes, le présent étincelle & sombre
comme l’écume à la pointe de la vague, dans ce visage, cette voix, il y a toutes les voix, tous les visages, l’infini de cet instant, alors je dis
mais quand, mais où, & qui suis-je, qui es-tu, l’après-midi est tous les après-midi, il monte vers son éclat & peu à peu descend
tout se dédouble, la haie, l’angle des murs, ma main, tout s’abandonne dans son ombre & c’est la nuit
Jacques Ancet, « Ode au recommencement, chant II », in revue Résonance Générale, numéro 4, automne 2011, pp. 15 & 16.
Jacques Ancet dans Poezibao :
Biobibliographie, extrait 1, extrait 2, extrait 3, un texte de JA sur La dernière phrase, fiche lecture de la Dernière Phrase, extrait 4 (Diptyque avec une ombre), extrait 5, le blog de Jacques Ancet, sur la poésie (blog), une lecture de Juan Gelman (séminaire du PIAL), Entre corps et pensée (parution), extrait 6, traduction de Andrès Sanchez Robayna, sur une confidence de la mer grecque (par R. Klapka), traduction de Fragments brisés de JA Valente (R. Klapka), Journal de l’air (parution), Le poème, son milieu est le langage, Pourquoi cette irritation à écouter…, Écrire, c'est entrer en contact avec quelque chose de très lointain, Comment parler de cette sorte de bouillonnement vague et d’insatisfaction sourde, Antonio Gamoneda, La voix de la mer (par Antoine Emaz), lauréat du prix Apollinaire, notes sur la poésie, ext. 7, Puisqu’il est ce silence et Les Morceaux de l’image (par Y. Miralles), deux livres (par A. Emaz), ext. 8, Chronique d’un égarement et portrait d’une ombre, (Y. Miralles), Chronique d’un égarement (A. Emaz), Roshân, Porchia, Ancet, trois titres de la collection Po&Psy (par Antoine Emaz)