Dans les services IT des entreprises comme au sein des SSII, l’activité de veille technologique a toujours eu mauvaise réputation et reste le parent pauvre sur un relevé de temps. Dans les entreprises, celui qui fait de la veille est perçu comme improductif et dans les SSII, ce rôle est attribué en dernier recours à des inter-contrats ne pouvant même pas contribuer à l’amélioration du SI interne de leur employeur. Une des raisons est la difficulté de mesurer le ROI de cette activité. En l’absence d’indicateurs qualitatifs comme quantitatifs, la veille peut être perçue comme une non-activité ou, pour les plus progressistes, renommée en « auto-formation » ou « e-learning » mais sans évaluation là encore.
Afin de valoriser cette activité et pour en mesurer les apports, nous proposons de la rapprocher du processus de commercialisation avec une évaluation par un outil de type CRM et l’utilisation du Tunnel de Vente, bien connu des commerciaux.
Tunnel de vente
Image by ADHARA Associates 2011
Ce tunnel de vente (sales pipeline dans la langue de Shakespeare) décrit un cycle de commercialisation typique, partant d’un fichier prospect pour converger, en se rétrécissant à chaque étape, vers la signature du contrat. A chaque étape, le manager commercial fixe un objectif quantitatif (le qualitatif étant matérialisé par le passage d’une étape à une autre). Ainsi, pour 300 prospects, on aura 70 intéressés, 30 contacts actifs, 10 offres écrites, 5 accords de principes et 3 signatures par exemple. Pour chaque étape, on suivra si le commercial atteint ses objectifs et on pourra ainsi l’accompagner si il est moins bon sur une des phases du cycle de vente.
Cette démarche CRM, on le voit, permet de mesurer dans son ensemble la performance du commercial et sa contribution au développement commercial de son entreprise. Nous proposons d’appliquer une démarche similaire à la veille technologique avec le « Tunnel de Veille ». Le Tunnel de Veille permet d’encadrer la démarche, souvent empirique, de veille technologique. Tout comme les commerciaux ont des lignes de services ou des lignes de métiers, l’informaticien aura une cible de veille par domaine technique ou métier. L’activité de veille sera « découpée » en phases :
1-Lecture générale
2-Intérêt pour le sujet
3-Note de synthèse
4-Dossier de présentation
5-Publication
Tout comme le CRM, les objectifs seront fixés par le manager, en fonction du temps consacré à l’activité de veille, et le suivi effectué avec un outil simple (Excel ou un outil de CRM léger reparamétré pour l’occasion par exemple). Dans le temps imparti mensuellement (cela nous semble le bon pas de temps pour la mesure), le collaborateur devra lire un certains nombre d’articles sur le sujet qui lui est attribué (étape 1). De cette lecture, il poussera sa curiosité sur un nombre réduit de sujets en collectant plusieurs sources d’informations pour construire sa connaissance du sujet (étape 2). Il rédigera ensuite une note de synthèse sur les quelques sujets thèmes qui lui sembleront les plus porteurs (étape 3). De cette note de synthèse, son management lui demandera de rédiger un dossier de présentation sur ce qui semble le plus porteur de valeur (étape 4). Enfin, un comité de lecture demandera au collaborateur de rédiger une publication au nom de son entreprise que ce soit à destination du milieu professionnel, universitaire ou de la blogoshère (voire si le sujet est stratégique, vers son Top Management pour décisionnel).
Ainsi, l’informaticien est encadré et peut mesurer sa performance dans l’activité de veille. Celle-ci s’en trouve valorisée pour plusieurs raisons : elle devient mesurable, elle est accompagnée, soutenue et reconnue par le management, elle débouche sur de la création de valeur pour l’entreprise. Car, même si le management n’oriente pas sa stratégie commerciale en fonction des résultats de la veille et même si le rayonnement de l’entreprise ne débouche pas sur une augmentation du Chiffres d’Affaires à court terme, le patrimoine de connaissance de l’entreprise s’en trouve valorisé et le collaborateur n’emporte pas avec lui les connaissances acquises pendant la veille qui devient un outil de renseignement économique même pour des structures qui ne pensaient pas en avoir besoin jusqu’à maintenant.
Dans un marché où la réactivité devient un véritable avantage concurrentiel, la stimulation et la maîtrise de la veille technologique au sein des équipes techniques permet :
-d’anticiper les tendances,
-de mettre en oeuvre ou d’optimiser la GPEC,
-de communiquer sur sa capacité d’innovation,
-de valoriser ses collaborateurs en les accompagnant,
-d’être force de proposition en devançant les besoins des clients.