Mauricio Botelho vient soudainement de quitter la présidence d’Embraer, officiellement pour des raisons personnelles, une surprise qui suscite des interrogations. D’autant que l’homme était très apprécié et que son nom restera attaché à la privatisation réussie de l’avionneur brésilien.
Au même moment, la société dresse le bilan de son année 2011, ce qui lui permet de constater que le mouvement de reprise des ventes, décelé il y a plusieurs mois déjà, est désormais confirmé par de bons chiffres. Les commandes dont a bénéficié l’année dernière la gamme «E-Jet», 124 appareils de 70 à 120 places, ont en effet progressé de 28%. Dans le même temps, 105 avions ont été livrés, dont une majorité de E-190.
L’aviation régionale a été durement touchée par la récession mais le retour à des jours meilleurs apparaît aussi comme plus rapide que prévu, soulignent les dirigeants d’Embraer, ajoutant que leurs études de marché les plus récentes font état de la possibilité de vendre environ 7.000 biréacteurs de 60 à 120 places au cours des deux prochaines décennies.C’est sur le segment 90 à 120 places que les perspectives sont les meilleures, ajoutent-ils.
En revanche, aucune mention n’est faite du marché des appareils de capacité supérieure, celle qui va jusqu’à 140 ou 145 places, que vise le concurrent canadien Bombardier avec le C.Series. Et pour cause ! Embraer s’est longuement penché sur ce créneau, a envisagé un E-Jet de cette capacité mais a finalement choisi de renoncer. Il faudra patienter plusieurs années pour vérifier s’il s’agissait de la voix du bon sens ou, tout au contraire, d’une erreur stratégique.
Pour l’instant, les faits donnent raison aux Brésiliens, le C.Series éprouvant de sérieuses difficultés à trouver des clients, et surtout des acheteurs dits «de référence». Les arguments avancés, qui ne manquent pourtant pas de poids, peinent à convaincre. En effet, un avion régional conçu comme tel est a priori plus léger, plus performant qu’un dérivé (une «intrapolation») d’un appareil plus gros comme l’Airbus A318. Ou encore une version courte du plus petit des Boeing 737.
A Sao José dos Campos, les maîtres du marketing ont tranché. D’autant que la concurrence est rude, le C.Series devant aussi affronter les versions actuelles et futures d’un prétendant de Sukhoi, que soutient l’Italie, et le CRJ 21 chinois. Dans le même temps, sur le dréneau des 70-90 places, Embraer surveille tout aussi attentivement les deux constructeurs de biturbopropulseurs, Bombardier (encore lui !) et le constructeur franco-italien ATR. Ce dernier a non seulement le vent en poupe mais prépare aussi un 90 places.
Ce survol rappelle par ailleurs les effets heureux du grand dynamisme d’Embraer. Outre les avions régionaux, les Brésiliens ont réussi une belle percée dans le domaine de l’aviation d’affaires en même temps qu’ils développaient leurs activités militaires.
Récemment, par exemple, l’armée de l’Air américaine a choisi le Super Tucano, présenté en association avec un partenaire local, la Sierra Nevada Corporation, pour répondre aux exigences du programme Light Air Support. Par ailleurs, de grands espoirs reposent sur le cargo biréacteur KC 390, plus petit et moins coûteux que l’A400M, qui pourrait prétendre au remplacement d’une partie du parc vieillissant de C-130.
Du coup, Embraer reste une valeur montante du paysage aéronautique international.
Pierre Sparaco - AeroMorning