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"Cyrano, ma vie dans la sienne" de Jacques Weber

Par Zone Littéraire De Vanessa Curton

Cyrano, ma vie dans la sienne
Jacques Weber
Stock, nov. 2011

Au comptoir, l’odeur du petit noir se mêle aux senteurs pâtissières d’after-shave. Les volutes du calme matinal s’ouvrent comme un rideau sur un homme seul et sombre, encore imprégné des tourbes blondes d’un whisky vingt ans d’âge.

Une verve éclot à la fois ténue et frontale, grandiloquente et méditative. Elle nous emporte avec elle dans l’espace de son enquête, celle de Jacques Weber qui a soixante ans, et qui décide de faire le point.

Il traverse le temps au chevet d’une mémoire qu’il considère comme « un vrai trou noir », de sa communion solennelle qui lui fît apparaître que « Cyrano qui croyait plus à la lune qu’au Bon Dieu, n’était plus très loin » de lui, aux planches de Mogador en 1983, à ce soir, le 26 février, où sa voix à vibrer
Par ce flottement, le comédien nous emmène sur le tournage du film de Jean-Pierre Rappeneau ou encore en 2008, aux vingt représentations atypiques de sa mise en scène de la tragédie d’Edmond Rostand dans les arrondissements de Paris… Il nous fait vivre avec lui ses peurs, cet élan, cette passion de la scène, évoquant jusqu’à cette tension fabuleuse de découvrir l’acteur, le juste, le bon acteur pour jouer son Cyrano de Bergerac.

En vingt chapitres, Jacques Weber questionne ce rapport au personnage, au corps, au langage, à la folie même et, pudiquement, à l’alcool, dans un style très imagé, poétique et philosophique. 

Ce qui s’annonce comme une autobiographie est moins celle d’un homme, que celle d’un personnage dans la vie et le corps d’un homme qui est acteur. A moins que ce soit le contraire, comme au théâtre qui serait « un lieu de vérité inversée ». Entre les deux réside, néanmoins, cette part d’indéfinissable qui amalgame une réalité à une fiction sur une scène, et peut-être aussi sous la plume de l’écrivain.


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