Nicolas Sarkozy réunit demain les partenaires sociaux à l’Élysée. Ce « sommet social » illustre une fois encore que le pouvoir des syndicats et de la rue est bien supérieur à celui des élus.
Par Jacques Garello
Article publié en collaboration avec l’aleps
- Le Président Sarkozy : Chers amis leaders syndicaux, voici l’objet de notre rencontre. Je crois qu’il est temps de donner au syndicalisme français la place qu’il devrait avoir dans notre vie politique, comme dans toute démocratie.
- Bernard Thibault : Bien vu : les syndicats n’ont pas assez de pouvoir, et les droits syndicaux ne sont pas respectés.
- François Chérèque : De plus, l’honneur des syndicats est bafoué, comme dans le scandaleux rapport Perruchot, ou dans les propos tenus sur les leaders CFDT de Seafrance.
- Nicolas Sarkozy : Reconnaissez que je me suis arrangé pour enterrer le rapport Perruchot. Mais je veux précisément qu’hommage et honneur soient rendus au syndicalisme français, et pour cela je vous propose trois mesures. La première serait de restaurer votre représentativité et, pour cela, d’abroger la règle qui veut que soient seuls habilités à la représentativité nationale les syndicats ayant participé à la Résistance. Cela aurait d’ailleurs l’avantage de ne plus se référer aux drames de la deuxième guerre mondiale et de faire plaisir à Angela. Donc porte ouverte à de nouveaux syndicats.
- Jean Claude Mailly : Il n’en est pas question pour la fonction publique, elle a sa spécificité.
- Nicolas Sarkozy : J’en viens précisément à la fonction publique. Le syndicalisme devrait y avoir sa place, mais le droit de grève devrait y être interdit. De façon plus générale les syndicats auraient plus de prestige s’ils étaient tenus pour responsables des dommages causés par les grèves, et notamment des atteintes à la liberté du travail.
- Bernard Thibault : Mais la grève est le seul moyen pour les salariés d’exprimer leur révolte contre l’exploitation dont ils sont les victimes, notamment à la SNCF.
- Nicolas Sarkozy : Les cheminots, pas plus que les instituteurs, ne peuvent prendre en otages les travailleurs et les familles. Si les grévistes veulent être payés pendant leurs jours de grèves qu’ils demandent aux syndicats, comme en Angleterre ou en Suède, de les payer.
- François Chérèque : Pour cela il faudrait que les syndicats aient des moyens financiers.
- Nicolas Sarkozy : Exactement. Et pour vous permettre de mobiliser plus de salariés, je pense que votre financement devrait venir uniquement des cotisations de vos adhérents : vous devriez alors attirer et fidéliser une clientèle, alors qu’aujourd’hui vous vivez des subventions publiques à 90%. Je propose de supprimer ces subventions. Ce sera autant de gagné pour les finances publiques.
- Laurence Parisot : Ces mesures ont leur logique, mais ne croyez vous pas que le dialogue social exige plus de souplesse ?
Me voici enfin réveillé par cette dernière remarque. C’est dans un sommeil profond, loin des réalités, que j’avais imaginé ce dialogue, bien trop social.
La réalité, c’est ce grand sommet social qui va se tenir demain, mercredi 18. Programmé pour décembre, il a été reporté, sans doute pour que les syndicats puissent donner leur avis sur les projets de l’Élysée. Et certainement pas pour changer quoi que ce soit au « dialogue social ». Comme pour tous les sommets de toutes sortes, celui-ci ne débouchera évidemment sur rien de concret. Mais c’est le fait que le pouvoir politique se mette en peine de consulter les syndicats avant tout vote du Parlement qui est dramatiquement révélateur. Le pouvoir des syndicats et de la rue est bien supérieur à celui des élus, et le règne du droit s’arrête à la porte des leaders syndicaux.
Je crois bon de citer Philippe Nemo (dans son récent ouvrage La France aveuglée par le socialisme) :
Au fil des ans, et de façon accélérée à partir de 1981, on a fini par trouver normal que toute décision politique d’importance soit prise en concertation avec les « partenaires sociaux » ou les « associations » et en accord avec eux. Les politiciens de droite eux-mêmes (…) ont fini par juger non seulement fréquentables, mais incontournables ces syndicats et groupes qui les tiennent en otage […] Les vrais dépositaires du pouvoir souverain sont donc en France, désormais, l’Elysée et les « partenaires sociaux », représentant respectivement 12,5% des électeurs et 5 à 10% des salariés.
Pris entre le marteau syndical et l’enclume élyséenne, le Medef aujourd’hui, comme le CNPF jadis, est condamné au dialogue et, à la différence de tous les patronats voisins, ne peut par conséquent participer activement à la croisade contre l’économie dirigée et pour la libre entreprise et le libre échange.
Le dialogue social est donc le cadre naturel de l’oligarchie qui gouverne la France et ruine les Français. Je me prends ainsi à rêver d’un univers de relations personnelles, contractuelles et responsables, loin des négociations collectives et de la lutte des classes.
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