On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.
Parmi tous les personnages de la littérature, Camille est avec la princesse de Clèves au premier rang de ceux à qui j'ai envie de mettre des claques (mais je l'avais oubliée dans l'article écrit à ce sujet). Je ne la supporte pas, et pourtant je ne me lasse pas de cette pièce.
On ne badine pas avec l'amour. Le titre sonne comme un avertissement. Non, on ne joue pas avec les sentiments, et c'est là la morale de la pièce. Camille sort du couvent, son cousin Perdican revient de Paris où il a été fait docteur. Le baron, père de Perdican et oncle de Camille, veut les marier. Mais voilà : au couvent, Camille a appris de drôles de choses, et notamment qu'en amour, parfois, on souffre, et elle qui ne veut pas prendre ce risque n'a qu'une idée en tête : revenir se mettre en sécurité parmi les nonnes, et n'aimer que Dieu. Perdican, dépité, cherche à la rendre jalouse en séduisant Rosette.
Qui badine avec l'amour ? On dit souvent que c'est Perdican. Oui, c'est vrai, Perdican badine, mais que celui qui n'a jamais cherché à rendre jalouse la personne aimée me jette la première pierre. Perdican badine, mais pourtant, comme le montre le si beau passage de l'acte II scène 5 que l'on cite souvent (ce que je n'ai pas non plus résisté à faire), au moins il tient l'amour comme une valeur essentielle. Camille, elle, méprise l'amour, et selon moi c'est beaucoup plus grave : elle ne veut pas épouser Perdican, mais, bouffie d'orgueil, elle veut qu'il la regrette. Mais Perdican est orgueilleux aussi, et ne veut pas lui faire le plaisir de montrer son dépit. Cette pièce, c'est donc la tragédie de l'orgueil mal placé : quand on aime, il n'y a pas d'orgueil qui tienne, on aime et puis c'est tout. Alors, à chaque fois, je m'agace sur ces deux personnages qui perdent par bêtise et immaturité le bonheur de leur vie, et en particulier sur Camille qui est, tout de même, la cause de l'enchaînement fatal.
by Leiloona