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Dire la vérité a toujours un prix. Un prix pour qui l'entend, pour qui la dit et... pour qui la cache. Plus on gravit l'échelle du pouvoir, plus le prix du silence augmente. Un jour, quelqu'un décide qu'il ne peut plus se taire et sa vie bascule. Aux États-Unis, ce quelqu'un s'appelle un whistleblower, celui qui donne l'alerte. Mathieu Verboud est allé à la rencontre de justiciers modernes qui ont tout tenté pour prévenir leur hiérarchie des dysfonctionnements dont ils étaient témoins, avant de décider de passer à l'attaque. Avec plus ou moins de succès.
L'instinct, c'est de mentir
Sherron Watkins est la plus célèbre des whistleblowers. Ancienne vice-présidente d'Enron, c'est elle qui, en 2001, a dénoncé les colossales manipulations comptables dont s'était rendue coupable la direction du géant de l'énergie : "50 % des revenus avant impôts étaient bidons ! Chez Enron et Arthur Andersen, son cabinet d'audit, des centaines de personnes savaient. Personne n'a donné l'alerte..."
Ancien cadre chez Veolia (trente ans de maison dont quatorze au placard), Jean-Luc Touly dénonce les dérives du système de gestion de l'eau en France : "80 % du marché est contrôlé par le privé ; c'est un monde opaque. Les compagnies des eaux dictent leur loi aux collectivités locales et imposent des prix totalement injustifiés." Depuis son licenciement, il multiplie les réunions publiques et conseille les municipalités qui souhaitent réclamer aux compagnies des eaux le remboursement du "trop-perçu". Christopher Steele et Glenn Walp étaient respectivement responsable de la sécurité nucléaire et shérif du site de Los Alamos, au Nouveau-Mexique.
Le premier a dénoncé les dangers que la décharge de la base faisait courir à la population ; le second a révélé que trois millions de dollars de matériel avaient été volés sans que personne proteste. Une intégrité pas vraiment récompensée par leur hiérarchie : Glenn Walp a été remercié et Christopher Steele s'attend à être licencié à tout moment.
Joseph Mangan, lui, a failli tout perdre.
En 2002, cet Américain intègre une société autrichienne sous-traitante d'Airbus et devient responsable des tests de sécurité sur l'A380. Très vite, il se rend compte que le système de pressurisation de la cabine n'a jamais été testé. Il alerte sa hiérarchie, mais aussi EADS et l'Agence européenne de sécurité aérienne. En vain : "S'il y a une faute, si un tort est causé, l'instinct naturel de l'être humain est de cacher, de mentir..." Licencié, ruiné, réduit à la soupe populaire, Joseph Mangan a finalement vu ses efforts récompensés en 2006, EADS admettant enfin qu'il lui fallait tester son système de pressurisation.