L'univers évoqué par le décor des chapelles funéraires est un univers "sui generis", et non un clone iconographique de l'univers réel.
Pascal VERNUS
Dictionnaire amoureux de l'Egypte pharaonique
Paris, Plon, 2009
p. 959
En décembre, souvenez-vous amis lecteurs, prenant prétexte du fragment (E 25507) exposé dans la première moitié gauche de cette vitrine 4 ² qui, sur quelque 7 mètres de long, se déploie sur le mur nord de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre,
nous avons échangé vous et moi, quelques réflexions qui toutes avaient les relations entre père et fils comme point nodal. Ainsi, nos deux rendez-vous des 13 et 17 concernaient-ils respectivement celles avec un père vivant, puis avec un père défunt et celui du 20 tentait-il de vous éclairer sur l'origine mythique de cet amour filial.
La semaine dernière, les vacances d'hiver achevées, nos rencontres des 10 et 14 janvier n'eurent d'autre motivation que celle de démontrer la thèse, paradoxale à première vue, que tout ce qui avait peu ou
prou rapport avec la mort - (aménagement d'une tombe, pratique de la momification, iconographie et épigraphie couvrant les parois de la chapelle ou de toute autre chambre, culte régulièrement
rendu au défunt par les membres de sa famille, présence d'un mobilier funéraire idoine, etc. -, dans la mesure où cela assurait la pérennité véritable devait se comprendre comme un puissant hymne
à la Vie, la seconde dans l'Au-delà autant que la première ici sur les rives du Nil, l'une servant de référent à l'autre.
Il est à présent temps d'entrer plus avant dans l'étude du programme figuratif proprement dit souhaité par Metchetchi pour son mastaba proche de la pyramide d'Ounas, dernier souverain de la Vème dynastie, qu'il servit sa vie durant.
En guise de prémices, j'aimerais ce matin m'attarder un instant sur les thèmes récurrents que les historiens de l'art égyptien ont définis dans le cadre de la programmation des scènes funéraires, toutes époques confondues. Il appert en effet qu'au long des millénaires qu'a durés la civilisation pharaonique, quatre domaines thématiques aient été largement développés :
1. Les précisions biographiques concernant le défunt : son nom, sa fonction et ses différents titres au sein de l'Etat, des événements particuliers de sa vie terrestre, ses préférences quant aux loisirs ...
2. Les données économiques : le défilé, en guise d'offrandes alimentaires, des denrées produites dans les différents domaines qui lui appartenaient ou qu'il gérait pour le roi.
3. Les pratiques funéraires : les étapes de la momification, l'enterrement, le rite de l'Ouverture de la bouche ...
4. La vie dans l'Au-delà : le jugement rendu par la balance d'Osiris, les pièges à déjouer pendant les différentes heures du jour et de la nuit ; l'adoration des dieux et les oblations qui leur étaient adressées.
Que ce soit par l'intermédiaire des bas-reliefs gravés ou par celui des peintures murales, de tous ces champs thématiques, les deux premiers furent essentiellement privilégiés dans les tombes de l'Ancien Empire.
Et pour ce qui concerne plus spécifiquement Metchetchi, en fonction des pièces exposées ici devant nous qui, seules, auront force d'évidence, nous ne trouverons, au fil des semaines à venir, nulle référence, comme souvent dans les hypogées thébains du Nouvel Empire, aux funérailles, aux pleureuses accompagnant le cortège vers la sépulture, au rituel de l'ouverture de la bouche, etc. Et pas plus aux représentations de la célèbre séance de psychostasie (pesée du coeur) dans la grande salle du Tribunal osirien ou à l'évocation du trajet nocturne de la barque de Rê ou à un quelconque hommage aux dieux.
Ce fut donc bien dans le cadre restreint des deux premiers des thèmes que j'ai cités il y a un instant que furent choisis les sujets qui se sont succédé de registres en registres sur les parois murales d'une chambre de sa tombe.
Point n'est besoin de revenir sur la personnalité du défunt puisque grâce à l'étude de l'un ou l'autre fragment, nous avons déjà, lors de nos entretiens des 6 et 10 décembre, et décliné son identité et découvert ses fonctions à la Cour.
Je l'ai déjà précédemment mentionné, l'étude minutieuse des éclats peints de cette vitrine 4 ² démontre que deux axes principaux ont été déterminés par Metchetchi lui-même - ou par sa famille - pour guider les artistes qui se sont occupés du programme figuratif de son mastaba, à savoir : quelques-uns des gestes rituels absolument indispensables à tout défunt pour que son culte funéraire fût assuré et la réception des différentes et nombreuses offrandes qui lui permettront non seulement d'agrémenter sa seconde vie mais, aussi, d'y subsister ; apports essentiellement alimentaires donc, mais pas uniquement, provenant surtout de ses domaines dont on lui voit inspecter la bonne tenue qu'y maintient son personnel, agriculteurs tout autant qu'artisans.
A samedi donc, amis lecteurs, le 21 janvier pour commencer à confirmer et développer mes quelques remarques introductives de ce matin.