Allez, je me remonte les manches et je vous ponds quand même une note histoire de vous faire patienter un peu avant la reprise d’un rythme pas franchement productif, mais régulier au moins ! Pour le coup, un bouquin plus ou moins orienté Criminologie, Le complexe du loup-garou de Denis Duclos, qui a pour sous-titre “La fascination de la violence dans la culture américaine”.
J’aime assez les éditions La Découverte, généralement de bonne qualité. Généralement. Et pour cette fois, c’est raté. Denis Duclos part sur le postulat suivant : la violence, particulièrement celle anglo-saxonne, est issue d’une mémoire commune provenant des mythes nordiques, eux-mêmes partiellement issus des croyances grecques antiques. Mais Duclos commet une erreur magistrale, oubliant l’un des préceptes majeurs du plus grand détective de tous les temps, j’ai nommé Sherlock Holmes : “Bâtir une théorie avant d’avoir des données est une erreur monumentale : insensiblement on se met à torturer les faits pour qu’ils collent avec la théorie, alors que ce sont les théories qui doivent coller avec les faits” (Arthur Conan Doyle, Les aventures de Sherlock Holmes).
En résumé, Duclos ouvre le bal sur le tandem de serial killers homosexuels et cannibales Lucas/Toole voyant chez l’un un avatar d’Odin et chez l’autre un double de Loki. Et une fois cette première salve lancée, Duclos nous renvoie de l’Odin-esque à chaque page, très vite de façon caricaturale. A croire que tous les tueurs ont séjourné chez les Vikkings dans une autre vie. Mais sa tendance à la caricature ne s’arrête pas là ; à la barre des accusés, supposés créateurs de violence, on trouve tour à tour les satanistes (le mythe des tueurs satanistes en est un justement, de mythe), les skinhead, Stephen King (”adolescent attardé - écrivant pour eux -”), les rôlistes (toi qui joue à Donjons & Dragons, te voilà psychopathe potentiel !), Paul Auster (”intello du policier”), etc.
Même le crime, sur lequel il prétend réfléchir, n’est en fait chez Duclos qu’un amalgame de clichés : les pédophiles sont des célibataires (Ah ? Pourtant, on en a déjà vu dans des gentilles petites familles unies, et pas qu’un peu), Eric Schmitt (plus connu comme Human Bomb, preneur d’otages à Neuilly) y est mentionné avec indécence (comparaison de celui-ci à un bouquin de King s’accompagnant de la remarque : “[L’imaginaire de King] Plus fort qu’Eric Schmitt !”), validation de phobies injustifiées (tueurs sataniques et rasoirs dans les fruits d’Halloween), comparaison étrange entre Stephen King et “STEPHEN” Spielberg, mention de Clarice Martin dans Le Silence des Agneaux (alors qu’il s’agit de Clarice STARLING), le Dr Holmes s’intéresserait aux nazis (difficile à expliquer vu que ce psychopathe vivait à la fin du XIXème), interprétation erronée de William Blake, nom de “complexe” alors qu’il s’agit de “syndrome”, et j’en passe. Un seul mot : accablant.
Et puis Duclos appartient à cette série de journalistes/essayistes outrés prétendant que le lectorat est à la recherche du morbide, ce qui est macabre et honteux. Manque de bol, les auteurs qui font de pareilles remarques sont souvent ceux qui virent le plus vite dans le gore. Duclos ne déroge pas à la règle : parlant des tueurs anthropophages Lucas et Toole, il dit “[Ce cas va] J’allais dire, mais la convenance me retient, (…) nous mettre en appétit”. Vulgaire et malvenu.
Qu’y a-t-il à en sauver ? Pas grand chose ; une vague citation de Nietzsche, une opposition entre l’American dream et l’American drama, et l’évolution du nom de Charles Maddox, pseudo-gourou qui a commandité le meurtre de Sharon Tate, la femme de Roman Polanski. Maddox qui a fait évoluer son nom en Charles Manson (le fils de l’Homme) puis en Charles Willis Manson (Charle’s Will is Man son ; la volonté de Charles est le fils de l’Homme). A part ça, on pourra jeter le livre sans regret.