À quelques mois des élections présidentielles, le thème du « made in » s’invite dans le débat électoral. Au-delà des échanges partisans, l’origine des produits que nous consommons est une vraie question de notre temps qui mérite une réflexion sur le long terme. Mais il convient d’être aussi lucide sur les limites de ce concept dans une économie mondialisée !
N’en avez-vous pas assez d’échanger pour la énième fois votre robot mixer qui ne parvient pas à écraser les légumes du potage sauf à le laisser en minestrone ? N’êtes-vous pas fatigué d’avoir un casque MP3 qui fonctionne en mode mono plutôt que stéréo tant sa qualité est moyenne ?
Moi si ! Non seulement parce que les allers-retours entre mon domicile et mon vendeur sont chronophages mais aussi parce que j’aimerais avoir de la qualité entre les mains. Malheureusement, la qualité des produits de « marques françaises » ou de « marques européennes », en fait, d’origine « made in China », n’est pas toujours au rendez-vous de nos achats quotidiens ou ponctuels.
La faute à qui ? Les fabricants chinois, les donneurs d’ordre français, les organismes qui apposent le marquage CE ou la norme NF sur un sac poubelle qui me lâche entre les mains ? En tant que consommateur, la réponse importe à peine du moment qu’on m’en donne pour mon argent et que les produits répondent à l’usage que j’en attends.
En tant que citoyen, je m’interroge ! Dès lors, les discours actuels sur le « made in » me parlent différemment. Une récente étude du Comité des entrepreneurs pour un développement responsable de l’entreprise (Cedre) vient, en effet, souligner que « même si pour les consommateurs le choix de consommation d’un produit est avant tout dicté par et sa qualité et son prix, assez loin devant le pays de fabrication (un critère pour 15% des Français), l’importance accordée à une consommation de produits français est une tendance qui se confirme… ».
Les hommes politiques s’emparent du plaidoyer car les relents « nationalistes » qu’il comporte pourraient trouver écho auprès d’une société française de plus en plus fracturée par la mondialisation. Pourtant, on est encore loin, avec le regain pour « made in France », d’une globalisation « détricotée » à l’instar des pratiques américaine ou chinoise de « Buy National Act » plus contraignantes et plus dirigistes.
Bien au contraire, il s’agit d’une démarche de sensibilisation sur la qualité, l’emploi dans nos territoires, la relation-client, les services après-vente, etc.
Dès lors, deux problématiques se posent :
Première question, comment faire pour que le consommateur accepte de payer plus ?
Il faudrait impérativement offrir davantage de qualité, d’innovation, et de services. Le « made in France » viendrait alors en garantie de la qualité, du respect de normes voire des labels et autres marqueurs de la qualité. Le consommateur rassuré et mieux informé accepterait ainsi de payer plus.
Côté innovation, la réponse ne passe pas par quatre chemins : elle s’appelle R&D mais aussi « fabricabilité » de nos idées et « commerciabilité » de nos produits. Côté service, il convient de réhabiliter les services de maintenance, de réparation et de recyclage : « pourquoi jeter quand on peut réparer ? ». Tout un chacun aimerait trouver un réparateur qui puisse disséquer et réparer la vieille bouilloire anglaise de famille au lieu de s’entendre dire : « mais, ma petite dame, j’ai plus les pièces qu’il faut ! ».
Remettre au goût du jour les anciens métiers des forges et les moderniser en associant aux seniors – qui détiennent le savoir faire, l’expérience –, une main d’œuvre de jeunes maîtrisant les qualifications techniques les plus récentes et les compétences systèmes est également une piste à explorer (Cf. Les Cahiers de Friedland – à paraître, Métiers et compétences pour une nouvelle croissance).
Cela suppose encore de « travailler les esprits » et de promouvoir davantage que par le passé le savoir-faire français. Il faut aussi éduquer les nouvelles générations et les faire passer du « tout jetable » au « tout recyclable ».
Seconde question, quels produits peuvent être fabriqués aujourd’hui en France ou en Europe avec une qualité supérieure à ceux « made in China » ?
Sûrement pas l’iPad, l’iPhone et autre smartphone tant les entreprises ont fragmenté les chaînes de valeur à travers le monde sur ce type de biens intermédiaires.
Sûrement pas les produits à courte durée de vie, les produits voués à être remplacés par l’innovation technologique suivante ou soumis à des modes éphémères mais, en revanche, des produits plus pérennes. Et encore, la part de la mode, du « dernier cri » sera probablement à reconsidérer dans la relation consumériste de demain…
Il y a là toute une gamme de produits à identifier comme pouvant bénéficier d’innovations technologiques ou en design et/ou d’un meilleur contenu service-client et SAP pour attirer les consommateurs sensibles à la qualité.
Mais ne nous leurrons pas. Réintroduire de la qualité dans les rayonnages de nos distributeurs ne sera pas pour demain. Le processus sera long et progressif tant il nécessite une réflexion et une action sur nos faiblesses tout autant que sur nos points forts. Ce ne sera pas non plus un processus à la large échelle mais à la marge. Le Père Noël a été chinois en 2011 ; il le sera encore cette année…