A l’annonce de la dégradation de S&P avec perspective négative, faut-il le rappeler, j’ai vu, entendu et lu de tout ce week-end. La blogosphère s’est surpassée, décrivant avec délice un épisode bien connu de tous les cancres lors de la remise du carnet de note scolaire aux parents, entre les remontrances du paternel excédé et les tentatives d’avancer des excuses crédibles par un élève qui sait pertinemment l’ampleur des ses manquements. La sanction est tombée. Franchement, elle nous pendait au nez depuis un petit moment.
Il me faut donc me mettre dans l’idéologie de cette droite au pouvoir depuis une décennie, et chercher ou il est possible encore de gratter sans gêner les copains, évidemment. Allons, courage, ce n’est pas difficile, les thuriféraires de l’UMP ont largement balisé le chemin : pour stopper l’hémorragie, il faut tailler dans le code du travail, et dans la dépense publique.
Le principal credo pour être à nouveau compétitif, c’est baisser le coût du travail. L’UMP n’a cessé de le dire, il faut abolir la semaine de 35 heures, il faut supprimer les charges, et tant qu’à faire, revenir également sur la 5ème semaine de congés payés… Peu le savent, mais la France est le pays à la plus forte productivité horaire. Dans ce contexte, rallonger le temps de travail sans contrepartie n’est rien d’autre qu’une mesure de baisse généralisée des salaires. La différence, comme lors d’une baisse de TVA, je sais dans quelle poche elle ira s’engouffrer.
Même topo concernant les fameuses charges, qui constituent en fait un salaire différé (retraite) et une participation aux solidarités (retenues maladie, chômage, etc…). Leurs remise en cause fragiliserait encore davantage une société de plus en plus individualiste, mais au plus grand bénéfice des employeurs et actionnaires. Si, dans le même mouvement, il était possible de «réguler» le mouvement syndical, d’introduire un peu plus de flexibilité, et de fermer le robinet de l’assistance, ce serait assurément un mandat enfin bien rempli.
Il reste encore un levier à actionner, très efficace en matière d’économie : en s’attaquant directement à la paye des quelques 5 millions de fonctionnaires, on réduit visiblement la dépense publique. Ce poste représente un peu plus de 40% du budget de l’Etat, et 12% du Produit Intérieur Brut du pays… Baisser leur salaire, «c’est une idée qui n’est pas du tout absurde», a estimé très récemment Agnès Verdier-Molinié, la directrice de l’IFRAP. «Il faut savoir que 5% de baisse sur les salaires en France laisseraient espérer une économie de 4 à 5 milliards d’euros. Donc c’est pas du tout inimaginable, surtout quand on sait à quel point il est difficile dans notre pays de réaliser des économies». Electoralement, comme les fonctionnaires votent assez majoritairement à gauche, la mesure est neutre. Mais elle devient vite payante en tant que signal vers la fraction de population de droite déçue par l’inaction du monarque. Un bon coup de pied au cul à ces fainéants va assurément faire plaisir dans bien des chaumières.
On verra bien fin janvier. En attendant, les rats sont encore sur le navire. Babord est toujours hors de l’eau, le reste baigne, et le capitaine, quelque part, mégalomane, fier comme un coq de combat, ergots dressés contre toute critique, est encore à la manœuvre. Il vient de fracasser son jouet sur les rochers. Pendant ce temps, les passagers, en bas, se battent pour tenter se survivre, piétinant les enfants sur le chemin des canots de sauvetage. Les procédures de secours, les protections, les gilets, les consignes de bon sens, il y en avait. Mais faute de les entretenir, parce qu’on a décreté que cela coûte cher, que cela ne sert à rien, parce cela empêche de faire du «business», du fric, toujours plus d’oseille, on a arrêté, et on a fermé les yeux sans réagir. Maintenant, que chacun se débrouille, ou crève.
On a 97 jours pour rectifier le tir.