Alors que l'Europe se range à l'urgence de renforcer sa réglementation sur les dispositifs médicaux avec les mêmes procédures que celles appliquées pour le Médicament, les Etats-Unis pourraient bien nous en apprendre beaucoup sur l'évaluation, la surveillance et la réglementation des dispositifs, rappelle cet éditorial du Lancet, du 14 janvier. Ce marché américain, énorme, en pointe sur l'industrie cosmétique, a fait déjà ses propres expériences et a connu ses propres crises sur la régulation des dispositifs médicaux. Son agence de sécurité du Médicament, la Food and Drug Administration (FDA), dispose aujourd'hui des meilleures études et des données les plus fines de surveillance et se dirige vers une réglementation encore plus rigoureuse. Zoom sur l'expérience américaine, avec cet éditorial britannique.
L'expérience d'un marché colossal: Aux Etats-Unis, en 2010, les implants au gel de silicone ont été utilisés chez près de 150.000 américaines pour une augmentation mammaire et chez 46.000 femmes dans le cadre d'une reconstruction mammaire.
Une somme importante de données : La FDA a affirmé par deux fois leur sécurité en 2010. En juin 2010, la FDA publiait un rapport de 63 pages, réunissant l'ensemble des données d'études et de « pharmacovigilance » réunies depuis la réouverture du marché américain aux implants en gel de silicone, en 2006. Ce rapport aboutit à la sécurité des implants mammaires au gel de silicone.
Une communication transparente au public : Le 31 août 2010, après deux jours de Comité de sécurité, la FDA conclut à nouveau à la sécurité des implants avec gel de silicone et communique néanmoins de manière extrêmement transparente au public en informant sur les risques de complications et sur le caractère provisoire des implants : Un implant sur 2 devra être remplacé dans les 10 ans qui suivent l'intervention.
Pourquoi seuls les Etats-Unis ont-ils été épargnés par le scandale des prothèses PIP ? Les Etats-Unis ont déjà une longue histoire en ce qui concerne les implants à base de gel de silicone. Présents sur le marché américain dès les années 60, ont été mis sous le coup de la réglementation de la FDA en 1976, ont causé leurs premiers rapports d'effets secondaires néfastes dans les années 80, ont été interdits, faute de données suffisantes en 1991 avant de donner lieu à des recours collectifs de patients pour 4,3 milliards de dollars. L'interdiction des implants a été levée en 2006 pour 2 fabricants, Mentor et Allergan sur la base de grandes études post-AMM portant sur 40.000 femmes suivies pendant 10 ans. Des études, qui bien que les plus importantes aujourd'hui disponibles, sont contestées par certaines associations américaines. La FDA a été la seule institution à éclaircir le risque de lymphome anaplasique à grandes cellules (ALCL), précisant que même faible, il était associé à tous les types d'implants. Enfin, même si l'article du Lancet ne le mentionne pas, il faut rappeler l'enquête menée par la FDA, en 2000, sur le sol français au siège de la société Poly Implant Prothèses, l'avertissement et l'interdiction de marché qui ont suivi, le tout sans réaction –apparemment- des autorités sanitaires françaises.
Aux Etats-Unis, les fabricants doivent prouver la sécurité de leurs dispositifs à la FDA : Ainsi, depuis 1992, la FDA a mis en place un processus réglementaire d'approbation centré sur la sécurité, exigeant que les fabricants poursuivent et achèvent les études de sécurité post-AMM et se dirigeant vers un registre national des destinataires d'implants mammaires.
Des échecs et des réussites, en bref, des leçons à retenir par les gouvernements, les institutions de santé et les professionnels de santé en Europe. Pour la sécurité des patients, conclut le Lancet.
Source: The Lancet, Volume 379, Issue 9811, Page 93, 14 January 2012 doi:10.1016/S0140-6736(12)60041-5 “Silicone breast implants: lessons from the USA” (Visuel Allergan)