La journée de mercredi dernier a été annoncée comme une nouvelle étape dans l’avancement de l’affaire du génocide rwandais. En effet, 18 ans après les faits, une récente enquête démontre que l’assassinat du président de l’époque a en réalité été perpétré par des extrémistes Hutus, tribu majoritaire au gouvernement. Leur objectif : contrecarrer l’accord de paix engagé par le président de l’époque entre les Tutsis, tribu représentative du Front Patriotique Rwandais (FPR), et les Hutus. Une nouvelle pour le moins inattendue qui va permettre de rendre justice aux milliers de morts provoqués par le génocide issu de cette guerre civile entre les deux peuples.
- Résumé des faits
Un rapport d’enquête, daté du 10 janvier 2011, vient de démentir la thèse controversée défendue par Jean-Louis Bruguière, ancien juge français spécialisé dans la lutte anti-terroriste. Ce dernier avait mené l’enquête sur l’assassinat le 06 avril 1994 du président rwandais Juvénal Habyarimana.
A l’époque des faits, Mr Bruguière avait affirmé que l’attentat commis lors du vol vers Kigali, transportant le président rwandais d’origine Hutu, et son homologue burundais avait été organisé par le Front Patriotique Rwandais (FPR) à majorité Tutsi.
Le récent rapport dirigé par les juges Nathalie Poux et Marc Trévidic défend cependant la thèse de l’attentat perpétré par les extrémistes Hutus, dans le but d’empêcher l’accord de paix et le partage du pouvoir engagés par le président de l’époque entre les deux tribus. Les conséquences de l’évènement furent le massacre de l’ethnie Tutsie, l’un des génocides les plus meurtriers de l’histoire en seulement 3 mois.
Il est important de rappeler que les origines de la division ethnique entre les Tutsis et les Hutus proviennent du début du XXème siècle, au moment où les allemands occupaient le territoire. Ces derniers percevaient les Tutsis comme étant une race supérieure aux Hutus. La Belgique récupéra ensuite la colonie pendant la première guerre mondiale et instaura un système de carte d’identité ethnique en 1931. La Belgique favorisa les Hutus quand les Tutsis revendiquèrent l’indépendance, ce qui annonça le départ de la discrimination des Tutsis.
- Un génocide d’une rare violence
Le génocide a été réalisé avec une extrême cruauté, à l’aide d’armes artisanales, tuant femmes et enfants sans compter les nombreux actes de violences physiques et sexuelles. La radio « Télévision Libre des Mille Collines » a soutenu le massacre des Tutsis, et donc encouragé les voisins de tribus différentes à s’entre tuer.
Selon un recensement des autorités rwandaises, pas loin de 1,2 million de personnes ont trouvé la mort dans un laps de temps de 100 jours, la majorité (90%) étant répertoriée chez la tribu des Tutsis. Pas moins des 2/3 de leur population s’est ainsi éteinte au cours de ces 3 mois.
- Après le génocide
Dans le rapport du juge français, rendu public en 2006, l’actuel président rwandais, Paul Kagame, et chef du FPR au moment de l’attentat, a été incriminé.
Le jugement a été confié au Tribunal pénal international pour le Rwanda, institution en charge du jugement des accusés de crime de guerre, de crime contre l’humanité et de génocide. Celui-ci a été instauré par l’ONU et est indépendant.
A ce jour, 65 jugements ont été prononcés (dont 7 qui ont purgé leur peine), 10 affaires sont en cours, et 1 cas est en attente de procès. Le Tribunal a également vu la première condamnation pour génocide d’une femme, l’ancienne ministre de la famille Pauline Nyiramasuhuko, et dont le jugement a été prononcé et est en appel.
- L’avis Sequovia
La discrimination des Tutsis est en grande partie la conséquence de la politique de division ethnique des colonisateurs, qui appliquaient la stratégie politique du « diviser pour mieux régner ». Pourtant, les ethnies locales (Tutsie, Hutue, Twa) parlent les mêmes langues, ont les mêmes croyances religieuses et coutumes, et vivent sur un territoire unique. De plus, les différences physiques défendues par les colons sont infondées, et les « clans » originellement présents dans le pays étaient constitués de membres de chaque groupe ethnique.
D’autre part, défendre la supériorité d’un groupe ethnique sur un autre et vouloir éliminer l’existence d’un groupe entier d’individus constitue une violation aux droits de l’homme, selon l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. En effet, est considéré comme violation la situation où « les groupes différents, raciaux ou religieux ne sont pas traités comme égaux. »
Aujourd’hui, nous retrouvons des campagnes xénophobes similaires qui représentent également des violations systématiques des droits humains et des lois humanitaires notamment en Birmanie, où la junte militaire au pouvoir continue le massacre de l’Ethnie Karen, emploie des enfants soldats, et où la torture et le viol sont monnaie courante.