Il n'y a que les nigauds pour croire que ce qu'il y a dans les films sont la réalité.
Malgré une autre performance hors du commun de Meryl Streep dans la peau de la dame de fer dans un film relatant quelques pans de la vie de Margaret Thatcher, la vérité se trouve ailleurs.
Pas même complètement ici.
Fille la plus jeune d'un père et d'une mère qui n'avaient que deux filles, dans une éducation austère qui exigeait que les ambitions des parents soient placées en leur fils, Margaret deviendra moralement "le fils" de la famille Roberts.
Propriétaire de deux épiceries à Grantham en Angleterre, son père la fera travailler pour lui tout en lui inculquant de valeurs strictes et méthodistes. Les deux filles sont élevées au deuxième étage de l'une de ses épiceries. Le père Roberts est très impliqué dans l'église méthodiste mais aussi dans la politique locale. Il est maire de Grantham et loge comme indépendant avant d'être membre du Labour Party.
Margaret est diplomée en chimie et y travaille en recherche avant de fermement se lancer en politique à l'âge de 25 ans. Si son père était du Labour Party elle sera des Conservateurs. Plus jeune candidate et unique femme elle perd deux fois ses élections mais attire nécesairement l'attention. Un de ses plus ferme admirateurs deviendra son mari, Dennis Thatcher. C'est lui qui finance de nouvelles études pour Margaret en droit d'où elle obtient un autre diplôme à 28 ans.
La même année, 1953, année de sa graduation, Margaret donne naissance à des jumeaux.
Se cherchant un siège conservateur elle ne devient membre du parlement qu'en 1959. Dès sa seconde année, elle vote contre son parti qui souhaite faire revenir le droit au châtiment corporel punitif dans les écoles. Quand les Conservateurs perdent le pouvoir en 1964, elle est promue au cabinet fantôme du ministère du logement et des propriétés. Elle critique vertement le Labour Party sur sa politique des taxes, un secteur qu'elle connait à merveille l'ayant largement étudié à l'Université. Elle est l'une des rares conservatrice à voter en faveur d'une loi décriminalisant l'homosexualité. Elle vote aussi afin de légaliser l'avortement. Elle s'oppose à la peine capitale et s'oppose aussi à une allègement des lois sur le divorce. En 1967, elle fait parti des cabinets fantômes conservateurs de la question pétrolière, des transports et de l'éducation.
C'est dans ce dernier ministère qu'elle se fait remarquer une première fois comme secrétaire d'État à l'Éducation et aux Sciences quand les Conservateurs d'Edward Heath prennent le pouvoir en 1970. Dans des mesures de réductions de dépenses dans les institutions scolaires, elle fait retirer le lait que reçevait les élèves à l'école primaire. Elle reçoit une volée de bois vert de critique sur la chose et "Margaret Thatcher, Milk Snatcher"en tirera des leçons d'humilité. Elle est en poste jusqu'en 1974 quand les Conservateurs sont défaits aux élections de Février. Margaret Thatcher bat le successeur choisi par Edward Heath aux élections du parti et devient chef Conservatrice en février 1975.
Thatcher a fait des séjours au Fond Monétaire International et dine régulièrement à l'Institut des Affaires Économiques depuis le début des années 60. Elle fait sagement ses devoirs. Intelligente et mentalement agile, elle travaille son image, en faisant affaire avec des équipes des États-Unis avec lesquelles elle travaille sa voix, son accent, sa posture et la perception de sa personalité par le peuple. Les Russes lui donnent un coup de main inespéré en 1976 quand il la qualifie de "femme de fer" suite à un discours où elle parle de l'envie de dominer le monde des Soviétiques. Le surnom lui restera à jamais.
Suite à une série de grèves, une crise de l'emploi importante en Angleterre et en pleine crise mondiale du pétrole, les Conservateurs reprennent le pouvoir en mai 1979, Thatcher en tête. Elle y restera 11 ans de suite.
Elle est vite accusée de "nouveau racisme" quand elle limite le nombre de réfugiés vietnamiens(les boat people) qui auraient permis de séjour en Angleterre. Elle visite toutes les semaines la Reine Élisabeth avec laquelle elle discute de la situation au Royaume-Uni. Margaret Thatcher orchestre une réduction importante du rôle de l'État. Lors de son premier mandat, elle commence le douloureux assainissement de l'économie et la réduction de la dépense publique, et donc du déficit et de la dette publics. Elle profite de sa triomphale réélection en 1983 (la plus forte majorité conservatrice depuis la guerre) pour lancer un programme de privatisations et réduire le pouvoir des syndicats. Enfin, lors de son troisième mandat, sa volonté de réformer les impôts locaux provoqueront sa chute.
Ses multiples bras de fer avec les syndicats font en sorte que pendant 11 ans, il n'y aura jamais eu autant de grève dans le pays. Durant son passage au pouvoir, cinq lois sur les syndicats sont votées : en 1980, 1982, 1984, 1987 et 1988. Ces lois ont pour objectif premier de mettre fin au placement syndical, qui permet à un syndicat de n'autoriser que les recrutements de travailleurs syndiqués. Exactement comme chez nous en construction.
En 1981, plusieurs membres de l'Armée républicaine irlandaise provisoire et de l'Irish National Liberation Army incarcérés à la prison de Maze se lancent dans une grève de la faim pour obtenir le statut de prisonniers politiques, qui leur avait été retiré cinq ans plus tôt par les travaillistes. Malgré la mort de 10 grévistes de la faim (dont le plus connu est Bobby Sands), Thatcher se montre inflexible, déclarant par exemple qu'« un crime est un crime, ce n'est pas politique ».
Des attentats visent Hyde Park et Regent Street en 1982, faisant 23 morts, puis Harrods en 1983, faisant 9 morts. En octobre 1984, l'explosion d'une bombe à retardement de l'IRA au Grand Hôtel de Brighton, où se tient le congrès annuel du Parti conservateur, manque de provoquer la mort de Margaret Thatcher et de plusieurs membres de son gouvernement. Finalement, en 1987, l'attentat d'Enniskillen fait 11 morts.
Tout ceci est relié à la brûlante situation irlandaise.
La guerre des malouines, victorieuse pour l'Angleterre, contre l'Argentine dictatoriale en 1982 renforce son image de dame de fer. Partenaire du dictateur Augusto Pinochet qu'elle remercie à maintes reprises publiquement, elle ne devient pas particulièrement populaire de par le monde. Renaud réincarné en chien s'en servirait pour se soulager.
En 1984, Le Royaume-Uni paie beaucoup plus qu'il ne reçoit à la communauté Européenne, Thatcher, eurosceptique, se trouve au coeur des débats sur l'adhésion de la Grande-Bretagne à la Communauté Économique Europèenne.
Sa solide amitié avec Ronald Reagan (le deuxième homme de sa vie dira-t-elle) réussira à rendre Reagan plus flexible sur la question nucléaire. Thatcher prêche la dissuasion nucléaire, Reagan la bravade de petit-coq face aux Russes de Gorbatchev. Thatcher le ralie à sa position à elle en 1986.
Elle opposera de dures sanctions contre le régime Sud-Africain qui pratique l'apartheid. Ses prises de position relatives à l'apartheid ont été critiquées et ont créé des tensions au sein du commonwealth. Le premier ministre français de l'époque, Laurent Fabius s'étant même déclaré lors d'un entretien tout à la fois fasciné et épouvanté par les vues qu'elle lui avait exposées lors d'un repas.
Elle prendra la décision de restituer Hong Kong à la Chine populaire, qui ne sera effective qu'en 1997.
En 1990, l'instauration de la poll tax (très impopulaire, au point d'entraîner des émeutes) sa politique monétaire (des taux d'intérêt de la Banque d'Angleterre à 15 % en 1989) et sa réserve face à l'intégration du Royaume-Uni dans les Communautés européennes la mirent en minorité dans son propre parti, alors très divisé sur ces sujets. Elle quitte le leadership de son parti le 22 novembre de cette année-là.
Après plusieurs petites attaques cérébrales et sur avis de ses médecins, elle se retire de la vie publique en 2002, tout en restant impliquée dans la politique. Dennis, son mari et éternel amour meurt en 2003 la détruisant pratiquement complètement moralement.
Elle souffre de troubles importants de la mémoire depuis 2001. Elle souffre d'une anomalie cognitive importante, une forme de démence, suite à ses multiples accidents vasculaires cérébraux. Elle s'est fait hospitaliser à plusieurs reprises depuis.
Dans le film The Iron Lady, on prend Margaret Thatcher peu de temps après la mort de son amour, se rappelant des moments de son passé. Le film s'attarde beaucoup sur le veuvage de Margaret. On en apprend pas autant sur le Thatcherisme que sur le démence. Le film est déjà aussi controversé que l'est la dame.
Margaret Thatcher aura été haïe, aimée, mais n'aura laissé personne indifférent.
Le film est à l'affiche au Québec depuis vendredi dernier.